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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/58

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Je ne me donne point comme un modèle à suivre ;
Mais conviens qu’entre auteurs même il faut savoir vivre ;
Qu’un écrivain jamais ne se croira battu
Par l’injure. En effet, dis-moi, qu’y gagnes-tu ?
Tu le dis sycophante, il te dit démagogue ;
Tu lui criras : « Vil serf, » il te répondra : « Rogue ; »
Et l’un par l’autre, ainsi, honnis, vespérisés,
Des lecteurs de bon goût vous serez méprisés.
Un style injurieux n’est point chose nouvelle,
Au pays canadien : un auteur que j’appelle
Tapageur, désirant confuter de gros mots,
Pour le faire, employait des mots encor plus gros ;
Et vous parlant, après un assez grave exorde,
De bourreau, de carcan, de potence et de corde,
Gâtait, pour ne savoir s’arrêter prudemment,
Par une indigne fin un beau commencement.
Offensé de son style, et, je pense, à bon titre,
À son bon imprimeur j’adressai cette épitre :[1]
Ce que P… r, alors, pour son bien entendit,
Veuille le regarder comme à toi-même dit,
P…r, c’est à regret, depuis quelques semaines,
Que je lis les gros-mots dont tes feuilles sont pleines !
Sans tant d’emportement, ne peux-tu réfuter
Les torts et les travers qu’on cherche à t’imputer ?
Je sais que tu te bats contre un rude adversaire ;
Que ta guerre avec lui, peut-être, est nécessaire :
Bats-toi donc, s’il le faut ; mais demeure d’accord
Que pour vaincre avec gloire, il faut être sans tort.

  1. Bon est pris ici dans le sens de trop facile, ou de mal-avisé.