Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60

Que la défendre ainsi que ferait ton auteur,
D’un ton exagéré, plein de fiel et d’aigreur.
Ne crois pas qu’un gros-mot échappé de ta bouche
Me semble plus poli, me paraisse moins louche,
Que si mon ennemi l’eût, le premier, émis ;
Tout écrivain grossier s’est, pour moi, compromis ;
Je déteste partout le style, de Garasse
« Vous voulez qu’aisément mon rival me terrasse,
« Et que, sans, regimber, je tombe sous ses coups ! »
Nullement ; mais je veux modérer ton courroux ;
Je veux du vrai sentier te remettre la trace ;
Je veux te rappeler ce précepte d’Horace :
Qu’on ne peut, sans errer, ni rester en-deçà
Du terme mitoyen, ni passer au-delà.[1]
Lorsqu’à mauvais dessein quelqu’un sur toi s’avance,
Contente-toi toujours d’une juste défense :
Toujours, de ton rival, pour plaire aux bons esprits,
Épargne la personne, en blâmant ses écrits.
Encor, quant aux écrits, convient-il d’être juste ;
De ne point voir Octave, alors qu’on lit Auguste ;[2]
De ne point ressembler à ces écrivailleurs,
Marteleurs du bon-sens, éternels criailleurs,

  1. Est modus in rebus, sunt certi denique fines,
    Quos ultrà citràque nequit consistere rectum.
  2. On sait que le cruel Triumvir Octave et le comparativement bon Empereur Auguste, ne sont qu’un seul et même individu. Auguste a écrit en prose et en vers ; mais il ne nous reste presque rien de ses ouvrages. Ma pensée est qu’il faut juger d’un écrit par ce qu’il est en lui-même, et non d’après la haine ou l’amitié qu’on peut avoir pour son auteur.