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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/62

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Qui, sans discernement et sans critique aucune,
Semblent, comme les chiens, aboyer à la lune ;
Trempent, pour un ami, leur plume dans le miel
Et pour un ennemi, la remplissent de fiel ;
Sur un mot du premier sottement s’extasient,
Et, sans entendre l’autre, impudemment s’écrient :
« Mensonge ! absurdité ! » Dans l’âge dit moyen,
Un prêtre est accusé d’être manichéen ;
À jour fixe, il paraît ; parle pour sa défense :
Du langage qu’il tient le tribunal s’offense ;
Refusant d’écouter plus longtems son discours,
Et se faisant pour lui volontairement sourds,
Les juges, de leurs mains, se bouchent les oreilles,
Pour s’écrier, après : « Faussetés sans pareilles ! »
Ainsi font des écrits nos ignorants brailleurs ;
Ce sont aveugles-nés décidant des couleurs :
Leur critique est risible, autant qu’elle est commode ;
L’exagération, chez-nous, trop à la mode,
Est encore un défaut que doit fuir, éviter,
L’auteur qui veut se faire applaudir, respecter,
Des gens instruits, s’entend. Parlant à l’ignorance,
Tel, d’un ton triomphant, crie à l’extravagance,
Au crime, au déshonneur, pour des opinions,
S’exténue et s’épuise en exclamations,
Sur des faits ambigus, des questions abstruses,
Donnant ses notions pour sciences infuses,
Tel autre maintiendra que penser autrement,
C’est mériter la hart, ou du moins le carcan.