Aller au contenu

Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62

Et d’où vient, réponds-moi, cette étrange manie,
Ce fol emportement, cette énerguménie,[1]
Ce langage en crîrie, en fureur converti ?
C’est, à n’en point douter, de l’esprit de parti ;
Esprit qui fait que l’homme, au lieu de parler, beugle,
Pour le vrai, pour le juste, est sourd, devient aveugle ;
Foule aux pieds le devoir, l’honneur, la vérité,
Et, parfois, est conduit jusqu’à l’absurdité ;
Surtout, quand, jusqu’au bout voulant pousser sa pointe,
Il se prend à quiconque à droit le contrepointe :
Comme il ne peut, alors, vaincre en argumentant,
Son recours est d’aller en gros-mots s’emportant.
Si ce travers se change en esprit de famille,
Pour l’auteur étranger évoquant la Bastille,
S’il peut, sur ses écrits, qu’il vous peint tout en noir,
L’écrivain familier portera l’éteignoir.
Omar, pour son Koran, met le savoir en cendre.[2]
C’est encore un travers, selon moi, de prétendre,
Ainsi qu’un Turc pourrait faire en son bachalic,
Sur son goût, quel qu’il soit, régler ceux du public ;
Proclamer qu’un braillard avec goût se fait lire ;
Si l’on goûte Cherbois, vouloir que je l’admire ;

  1. Energuménie, venant d’énergumène, est encore un terme de mon invention. Je l’ai employé en prose en plusieurs occasions.
  2. Omar, second calife des musulmans, et cendre de Mahomet, s’étant rendu maître d’Alexandrie, fit brûler la belle bibliothèque de cette ville, en disant à ceux qui voulaient l’en détourner : « Si ces livres ne contiennent que ce qu’il y a dans le Koran, ils sont inutiles ; s’ils renferment quelque chose qui y soit contraire, ils sont dangereux : dans l’un ou l’autre cas, il faut les détruire. »