Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69

Ces erreurs, il est vrai, sont du peuple ignorant ;
Passons, pour trouver mieux, chez le monde savant.
Revenant au soleil, qui croirait que Lucrèce[1]
Le fait naître, au matin, d’une vapeur épaisse,
Et prétend qu’il n’est pas plus grand qu’il ne paraît ?
Inconcevable erreur d’un auteur souvent vrai.[2]
C’est ignorer en tout les règles de l’optique ;
C’est méconnaître un fait connu par la pratique.
Cette erreur, un rustaud la pourrait relever,
Quand, matinal, il voit le soleil se lever
Derrière une maison, ou derrière une grange.
Pour à droit, la taxer et d’absurde et d’étrange,
Est-il besoin qu’on soit érudit ou savant,
Et ne peut-on juger combien cet astre est grand,
Lorsque, portant la vue, au loin, dans la campagne,
On le voit se lever derrière une montagne ?
C’est ainsi, qu’en la Grèce, assez anciennement,
Un auteur,[3] lui donnant certain éloignement
Bien moindre que le vrai, calculait à son aise,
Qu’il était aussi grand que le Péloponnèse.[4]
C’était peut-être assez pour un siècle ignorant.
Mais comment expliquer le tourbillonnement

  1. Philosophe romain, qui a consigné dans son poëme De rerum naturâ, les doctrines physiques de Démocrite et d’Épicure.
  2. Les sectateurs de Démocrite et d’Épicure sont à peu près les seuls, parmi les anciens, qui aient étudié la physique, et qui y aient entendu quelque chose.
  3. Anaxagore, de Clazomène, en Ionie. Il vivait environ 500 ans avant l’ère chrétienne.
  4. Presqu’île de la Grèce, à peu près circulaire, et d’environ 43 lieues de diamètre.