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Que tout monarque, enfin, est au-dessus des lois,
Et que, nés pour servir, les peuples sont sans droits :
Différent de celui, qui, dans son vieux langage,
Patriote éclairé, philosophe, vrai sage,
Ne va pas, hautement, d’un ton de Richelieu,[1]
Pour vaincre, s’écrier : « Tout pouvoir vient de Dieu
Mais dit modestement : Le peuple fait les princes,
Les princes ne font pas leur peuple et leurs provinces ;
IL existe sans roi plus d’une nation ;
Mais un roi sans sujets n’est plus roi que de nom ;
C’est un adorateur du pouvoir arbitraire.
Maint autre, s’égarant dans le sentier contraire,
Et contre le pouvoir saintement s’insurgeant,[2]
Prétend qu’on peut, sans crime, égorger un tyran :
Mais ce tyran, souvent, lui-même il se le forge,
Et lui plonge, trompé, le poignard dans la gorge.
Les membres exaltés de la Convention
Se massacrent entr’eux pour une opinion
Émise ou soupçonnée. Ô misère de l’homme,
Qui pour un geste, un mot, se maudit ou s’assomme,
Et se rend mille fois plus malheureux encor
Qu’en l’appelant céans,[3] ne l’ordonna le sort !

  1. Nom d’un premier ministre de France du caractère le plus hautain et le plus despotique. Le poète dont il s’agit ici, est Jean Auvray, avocat au parlement de Normandie, né en 1520 et mort en 1633.
  2. L’obligation pour le peuple de s’insurger contre un pouvoir qu’il croit oppresseur, ou dont il est mécontent, était un des dogmes politiques des anarchistes de France, pendant la révolution ; mais la coupable doctrine de l’assassinat licite d’un tyran, ou d’un souverain qu’on croit pouvoir appeler de ce nom, date du temps de la Ligue.
  3. Ici, sur la terre considérée comme la demeure des hommes.