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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/76

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Infinis sont les maux qu’ici bas il fait naître,
Quand il a le malheur de ne se point connaître ;[1]
S’il ne sait point placer chaque chose en son lieu,
Ni ne peut se tenir dans un juste milieu.
En lui, se montre alors un animal féroce ;
Et l’on peut en attendre un traitement atroce ;
Ou, si l’on n’en est point assailli, tourmenté,
C’est manque de pouvoir, plus que de volonté.
Mais, malheur aux humains, si la toute-puissance[2]
Favorise, soutient l’esprit d’intolérance :
D’incalculables maux l’état sera troublé ;
Un pays florissant, appauvri, dépeuplé :
Le fanatisme, alors, se croyant infaillible,
Ou, toujours dans son sens interprétant la bible,
Commande à tout mortel de penser comme lui,
À moins qu’il ne veuille être au supplice conduit.
Qui croirait qu’on a vu, jadis, en Amérique,
Régner, chez l’anglican, la rage fanatique ;
Que des hommes proscrits pour leur religion
Y montrèrent l’esprit de persécution ;
Et que, mis hors la loi, bannis pour leur croyance,
D’autres furent en proie à leur intolérance ?
Catholiques-romains, indépendans, quakers,
Étaient, dans leur esprit, les suppôts des enfers,

  1. La grande maxime de Thalès, l’un des sept Sages de la Grèce, était que ce qu’il y avait de plus utile pour l’homme, c’était de se connaître lui-même. En effet, c’est souvent faute de se connaître soi-même ; c’est pour se croire plus savant, plus sage, plus vertueux que les autres, qu’on en juge autrement qu’on devrait ; qu’on les calomnie ; qu’on les persécute, enfin, si l’on en a le pouvoir.
  2. Le gouvernement.