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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/77

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Et devaient expier, dans le tourment des flammes,
D’avoir, par l’hérésie, ainsi damné leurs âmes.
Suivant les pas trompeurs d’ignorants devanciers,
Ils se croyaient partout entourés de sorciers ;
Et, pensant venger Dieu, leur foi, leur liturgie,
Brûlaient vieillards, enfans et femmes, pour magie.
Qui ne déplorerait le malheureux destin,
Le tragique décès de Suzanne Martin !
D’un honnête bourgeois Suzanne était la fille ;
Mère d’une nombreuse et croissante famille,
Elle en était la joie ; et son heureux époux
De son bonheur rendait ses citoyens jaloux.
Charitable à propos, modeste, accorte, affable,
À l’entière cité Suzanne était aimable ;
Et comme exemple à suivre, on invoquait son nom,
Mais tôt, au déshonneur du peuple de Boston,[1]
Le fanatisme, aidé de la cruelle envie,
Vint mettre un terme horrible à son heureuse vie.
Dans un concitoyen, vil calomniateur,
Cette femme de bien trouve un accusateur :
À l’entendre, Suzanne, indigne pécheresse,
Doit sur elle appeler la foudre vengeresse.
On l’arrache, aussitôt, des bras de son époux ;
On l’entraine au cachot, sous d’indignes verrous :
Le peuple fanatique en témoigne sa joie ;
Le tribunal de sang se saisit de sa proie.

  1. Elle était de Salem, dans l’état, alors la colonie de Massachusetts, dont Boston était la capitale.