Page:Bibaud - Le Panthéon canadien, 1891.djvu/74

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romain sans laquelle on n’est point jurisconsulte, et la lecture de ses ouvrages fait voir qu’il s’y était rendu profond. Depuis lui, il n’y a plus eu de jurisconsulte dans le pays et les écoles de droit pourront seules en former de nouveaux. Dans un temps où toutes les procédures anglaises devenaient à la mode, Cugnet fut utile au gouvernement dans l’affaire de l’agent Cochrane, et sur le refus du procureur général, depuis sir James Monck, de le poursuivre, il guida le solliciteur général Williams et fit recouvrer £100,000 par le procédé français de saisie-arrêt qu’on adopta. Il fut un temps où les Canadiens ne pouvaient se faire jour au barreau ; mais Cugnet pratiqua toujours, du moins en qualité d’avocat consultant. À en juger par sa consultation pour MM. de Niverville, seigneurs de Chambly, ses consultations égalaient en méthode et en clarté celles des avocats français de réputation. Elles sont d’une belle, très belle petite écriture, semblable à celle du beau manuscrit des œuvres de ce Canadien illustre que possédait l’honorable Pierre J. O. Chauveau. Cugnet était éminemment patriote, il se prononce énergiquement en faveur des droits d’une famille dépossédée en quelque sorte par les Anglais ; il fustige les juges et l’arpenteur général, et dans son traité de police, il regrette les sages ordonnances de la domination française, et déplore le désordre qui leur a succédé. Il eut assez d’influence pour en faire remettre quelques-unes en vigueur. Le Canada le perdit au mois de septembre 1789. Son frère, conseiller honoraire à Blois, lui survécut, et vivait encore en 1800. J. F. Cugnet, fils de François Joseph, est loué comme un des élèves dont le séminaire de Québec s’honore, dans la lettre de Mgr  Hubert au Conseil législatif concernant le projet d’ériger une université. Il devint traducteur des lois. Beau jeune homme, il ne répondit pas aux espérances de ses instituteurs, visita l’Angleterre et la France, fit le grand seigneur, et dissipa le bien que son père lui avait laissé.

Curran (John Joseph), éloquent orateur, l’un des hommes politiques les plus populaires du parti conservateur, possède une tête intelligente que l’on remarque à première vue. Ses manières engageantes et affables, son empressement à obliger lui attirent les sympathies de tout le monde. Irlandais de naissance, M. Curran s’exprime en français avec autant