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Page:Bibaud - Lionel Duvernoy, 1912.djvu/32

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jusqu’au bout, sans que je vous sois trop désagréable. »

Je vous disais en commençant que j’étais triste, parce que le temps ne pouvait s’écouler. Oui, je me sentais envahie d’un malaise indéfinissable, je me plaignais sans raison, je soupirais sans cause. Dites, n’étais-je pas atteinte de cette terrible maladie que les Anglais appellent le spleen ? Avez-vous déjà éprouvé de ces découragements complets, de ces dégoûts de la vie qui vous font envisager le monde sous un si sombre aspect ? Si vous en avez été exempt, vous êtes un heureux mortel. Pour moi je ne connais rien de pis. Que faire en ces moments d’abattement moral, d’ennui indicible ? Je n’ai trouvé rien de mieux que de me pencher sur une feuille de papier pour écrire à M. P. S’entretenir avec un homme d’esprit est le moyen le plus efficace de chasser tous les spleens.

Je ne puis m’adresser mieux, vous avez à titre de touriste une infinité de connaissances, d’autant plus agréables pour moi qu’une partie des pays que vous avez vus je les ai parcourus. En correspondant nous pourrons par la pensée nous transporter de nouveau en France, en Suisse, en Italie, en Afrique même si vous le voulez ; nous enfoncer dans les sables immenses du Sahara, où nous pourrons ensemble, tous deux y puiser une eau, bénie, capable