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Page:Bibaud - Lionel Duvernoy, 1912.djvu/60

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le plus riant. Je dépensai avec prodigalité, me livrant comme un jeune fou à tous les plaisirs du siècle. Jamais la pensée de la jeune femme que j’avais laissée derrière moi ne vint troubler mon esprit, jusqu’au jour où je rencontrai Noémie de Soulanges. Une réaction subite s’opéra chez moi. Que se passait-il ? Hélas ! Je m’en aperçus trop tard. J’aimais, j’aimais éperdument pour la première fois et il me fallait arracher cet amour de mon cœur. J’étais lié, pour toujours.

J’eus des moments de sourde colère. Qui me retenait ? Ce mariage était-il valide ? N’avais-je pas le droit de le briser ? Alors, pour la première fois, je songeai au malheur que j’avais pu causer à la femme qui portait mon nom. Je l’avais laissée seule exposée aux dangers du monde, son père était mort quelque temps après notre union. Pauvre enfant qu’était-elle devenue ? elle aussi pouvait aimer ailleurs, comme moi elle n’était plus libre. Ma conscience me reprocha amèrement ma conduite passée, je serais retourné vers la jeune femme que j’avais si cruellement abandonnée si mon amour ne m’eut retenu près de Noémie.

Alors ma position devint des plus pénible, chaque fois que je voyais Mlle de Soulange je sentais qu’elle me devenait plus chère, ma souffrance augmentait en constatant que de jour en jour la gaieté de la jeune fille s’éva-