Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne fait guère que confirmer, en donnant plus de détails, les résultats déjà acquis par Junghans, on se demande avec quelque inquiétude quels renseignements précis nous possédons sur l’histoire de la Gaule franque de 480 à 540. M. Kurth essaie, il est vrai, de sauver de ce naufrage complet l’histoire du vase de Soissons, laquelle a une origine particulière et doit venir de Reims. Il aurait pu, croyons-nous, être encore plus sceptique sur ce point ; les luttes des Francs contre le romain Syagrius, le mariage de Clotilde sont des faits réels, sans que nous puissions rien affirmer des circonstances qui les ont accompagnés ; mais l’anecdote en question nous paraît de tout point inadmissible et on peut, sans grand dommage, la rejeter avec tant d’autres qui remplissent et encombrent l’histoire ancienne et moderne. Un peu plus loin, à propos du meurtre de Sigismond, roi des Burgundes (p. 324), M. Kurth nous paraît également avoir eu tort d’alléguer le témoignage de la Passio Sigismundi ; M. Krusch, le dernier éditeur de ce texte, a démontré péremptoirement que la Passio n’est pas antérieure au VIIIe siècle, et que l’auteur anonyme, moine à Saint-Maurice d’Agaune, n’a fait que développer quelques phrases de Marius d’Avenche et du pseudo-Frédégaire.

Un peu plus loin, parlant de la première invasion danoise en Frise, M. Kurth rapproche fort ingénieusement du récit des chroniqueurs gallo-romains un passage du célèbre poème anglo-saxon, le Béowulf. La remarque est curieuse et paraît juste ; on peut même, semble-t-il, à l’aide du récit du poète anonyme, compléter dans une certaine mesure le texte de Grégoire, le fait d’une invasion danoise dans cette partie de l’empire franc n’ayant rien d’invraisemblable. Au surplus, suivant M. Kurth, autour de Thierry de Metz et de ses fils s’est créé de bonne heure tout un cycle poétique.

Vers l’an 560, le récit de Grégoire de Tours change entièrement de caractère ; désormais, l’auteur utilise des données absolument historiques, fruits de ses propres observations ou rapports de témoins oculaires. C’est dans le pseudo-Frédégaire et dans les Gesta Francorum qu’il faut désormais chercher les traditions populaires sur les petits-fils de Clovis et leurs successeurs immédiats. La récolte ici est toujours aussi abondante ; sur Frédégonde, Brunehaut et Clotaire II, on trouve dans ces auteurs quantité de passages d’ordre légendaire. De ces textes, les uns pour M. Kurth viennent de chansons héroïques, l’une d’elles, relative à Clotaire II, est citée par Hildegarius, auteur de la vie de saint Faron ; d’autres reproduisent des anecdotes domestiques, nées dans le palais royal longtemps après les événements. À cette dernière classe appartient l’histoire des premières amours de Frédégonde et de Chilpéric, celle des intrigues de la même reine avec Laudéric. Par contre, pour le règne de Brunehaut, le pseudo-Frédégaire a utilisé les sources annalistiques, et, dans cette partie de la compilation bourguignonne,