Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. Kurth ne relève que quelques indices de traditions poétiques, indices tellement faibles qu’à notre sens ils sont imperceptibles ; par contre, nous reconnaîtrons avec l’auteur que la partie des Gesta relative à l’histoire de la fin du VIe et du début du VIIe siècle est tout entière empruntée à des traditions populaires.

On voit, par ce court exposé, avec quel soin, quelle patiente minutie M. Kurth a examiné, pour ainsi dire à la loupe, tous ces vieux textes. On ne saurait affirmer que l’auteur ait entièrement prouvé toutes ses assertions ; certains passages dont il fait des fragments de récits épiques n’ont peut-être pas, autant qu’il le suppose, ce caractère. Le titre même de l’ouvrage est un peu inquiétant et la conclusion, fort heureusement, est de nature à atténuer cette première impression. Sans doute, là encore il y aurait quelques réserves à faire ; il paraît notamment difficile d’accepter pleinement cette assertion (p. 479), que de toutes les poésies primitives la poésie franque serait la plus vivante et la plus répandue ; c’est faire vraiment trop bon marché de la poésie primitive des Grecs, autrement belle et autrement puissante. Par contre, l’auteur établit ailleurs une distinction légitime entre les chants héroïques proprement dits et ce qu’il appelle très justement les impressions épiques. Des premiers, on ne saurait citer qu’un bien petit nombre ; mais M. Kurth a démontré définitivement que toute une partie de Grégoire de Tours, le début du pseudo-Frédégaire et les deux tiers des Gesta sont pour ainsi dire pleins de ces impressions épiques. C’est là un résultat important ; le fait était déjà soupçonné ; depuis longtemps certaines parties de la thèse de M. Kurth avaient été traitées ; au savant professeur de Liège revient l’honneur d’avoir épuisé le sujet, d’avoir démontré définitivement combien est peu sûre l’histoire traditionnelle de la Gaule barbare.


A. M.


Les Grands écrivains français. Froissart, par Mary Darmesteter. Paris, Hachette, 1894. In-16, 174 pages, une gravure. 2 francs.


On ne fait pas large place au moyen âge dans la collection des Grands écrivains français, que publie la maison Hachette. Notre littérature médiévale n’avait obtenu jusqu’ici qu’un représentant : Rutebeuf, auquel M. Clédat consacrait une étude il y a quatre ans. En voici un second : Froissart. Espérons que les critiques moroses, — il s’en est trouvé, — qui avaient été choqués de voir Rutebeuf coudoyer George Sand, seront moins sévères pour le brillant chroniqueur. C’est Mme Darmesteter qui s’est chargée de le présenter au public : elle l’a fait avec agrément, sans apporter grand’chose de nouveau. On ne saurait lui en faire un reproche. Il n’y avait point ici à faire œuvre d’érudition, mais de vulgarisation ; ce n’est point aux spécialistes, mais au grand public que s’adressent