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Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1900 - tome 61.djvu/275

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11. L’aîné et ses gens ne causeront aucun dommage aux terres, ni aux sujets du cadet.

12. Au cas où le cadet mourrait avant la réalisation de ce plan, et sans laisser d’« hoir de son corps », ses frères lui seront substitués et seront substitués l’un à l’autre, le cas échéant, dans l’ordre de primogéniture.

13. Les amis, alliés, serviteurs et partisans du cadet, qui éprouveront quelque dommage pour avoir servi sa cause, en seront indemnisés par l’aîné, dans le plus bref délai, sur les conquêtes qu’il aura faites.


Rien ne dévoile mieux les secrètes convoitises du roi de Navarre qu’un tel programme, et l’intérêt en serait encore grand, lors même qu’il n’aurait jamais été transformé en un instrument diplomatique. C’est beaucoup qu’il ait été formulé avec autant de décision. Charles le Mauvais avait, il est vrai, et il a parfois affiché de plus hautes prétentions. Petit-fils de Louis le Hutin, il aspirait au trône dont sa mère avait été exclue[1], et, sans se poser ouvertement en rival des Valois, il caressa toujours l’espoir de les supplanter.

Toutefois, comptant plus sur les événements que sur des revendications qu’il eût été impuissant à soutenir, il savait dissimuler ses visées ambitieuses, surtout quand il s’agissait de ne pas rebuter un puissant allié. C’est ainsi que, dans ses négociations avec Édouard III, il ne fait aucune difficulté de le reconnaître pour roi de France, bien qu’il tînt ses propres droits à la couronne pour bien supérieurs à ceux du monarque anglais[2]. Sans doute, il se flattait de recouvrer quelque jour ce qu’il était contraint d’abandonner. Maître de près de la moitié du royaume, il eût traité d’égal à égal avec son suzerain, en attendant une occasion favorable pour le dépouiller. Tout au moins lui eût-il arraché sans trop de peine Paris, le siège du gouvernement, et

  1. Chron. de Froissart, éd. Siméon Luce, t. V, p. 98 : « … et donna adonc assés à entendre à ses parolles que, se il voloit calengier le couronne de France, il monsteroit bien par droit que il en estoit plus proçains que li roi d’Engleterre ne fust. » — Cf. Chronographia regum Francorum, éd. Moranvillé, t. II, p. 267-268. — Secousse, Mémoires, p. 5-6. — P. Viollet, Hist. des instit. polit. et admin. de la France, t. II, p. 70-71.
  2. Voy. la note précédente.