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Reims, la ville du sacre, se faisant peut-être, par un de ces revirements qui lui coûtaient si peu, le champion de la cause nationale. Quelle que soit la valeur de ces conjectures, le document analysé plus haut paraît bien traduire la pensée intime de Charles le Mauvais.

On en trouve la preuve dans les articles signés, le 1er août 1358, par les plénipotentiaires des rois d’Angleterre et de Navarre et destinés à servir de base à un traité d’alliance entre les deux souverains[1]. Évidemment, les propositions faites ou acceptées par Charles le Mauvais en 1358 ne sont pas aussi avantageuses pour lui que celles qui viennent d’être résumées, mais elles procèdent de la même inspiration. Le projet retrouvé parmi les « lettres de Navarre », et dont il reste à déterminer la date, ne saurait appartenir, comme je l’ai déjà dit, qu’à l’une des deux années 1354 ou 1355. Rien n’y rappelle les événements considérables qui se succédèrent les années suivantes et auxquels le roi de Navarre se trouva mêlé au moins indirectement ; aucune allusion n’est faite ni à sa captivité, ni à celle de Jean II, ni à la situation du royaume au lendemain de la défaite de Poitiers. Tout indique au contraire que ce document a été rédigé peu de temps après la paix de Mantes. Charles le Mauvais s’attribue à lui-même la Normandie en compensation du comté d’Angoulême et de certaines rentes sur le trésor qui ne lui ont pas été payées. Or, on sait qu’au cours des négociations de Mantes on avait admis, sans l’énoncer formellement dans le traité, le principe d’une indemnité, d’une « récompense », pour le comté d’Angoulême[2]. Quant aux rentes sur le trésor dont les arrérages n’avaient

  1. Rymer, III, 228 (avec la date fausse du 1er août 1351). Secousse (Recueil, p. 318, n. 1) a le premier relevé cette erreur et proposé de lire : 1er août 1358. S. Luce a repris la démonstration de Secousse, qui est absolument concluante (Négociations des Anglais avec le roi de Navarre pendant la révolution parisienne de 1358. Paris, 1875, in-8o. Extrait des Mémoires de la Soc. de l’hist. de Paris et de l’Île-de-France, t. 1). La date de 1358 parait douteuse au P. Denifle. (La Désolation des églises de France, t. II, 1re part., p. 177.) On ne voit pas bien pour quels motifs elle devrait être rejetée. Je n’ai pu retrouver au Public Record Office l’original, sans doute déjà en très mauvais état, lorsque Rymer l’a publié. Il a pu disparaître depuis cette époque. Un certain nombre de pièces, de la catégorie des Diplomatic documents, sont aujourd’hui fort endommagées, pour des causes diverses, et à peine utilisables.
  2. Secousse, Mémoires, p. 47. Le comté d’Angoulême fut réuni à la couronne