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Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1906 - tome 67.djvu/504

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cette assertion est en complète contradiction avec Froissart, d’abord, et ensuite avec tous les chroniqueurs qui parlent de ce chevalier.

Dans sa première rédaction, Froissart, racontant comment la bataille de Crècy s’engagea, montre Jean l’Aveugle qui s’adresse à ses compagnons et leur demande de le mener si avant dans la mêlée qu’il « puisse ferir un cop d’espée[1] ». « Là, » continue le chroniqueur, « estoit li Monnes de Basèle à son frain, qui envis l’euist laissiet ; et ossi eussent pluiseur bon chevalier de le conté de Lussembourc, qui estoient tout dalés lui : si ques, pour yaus acquitter, et que il ne le perdesissent en le presse, il s’alloièrent par les frains de leurs chevaus tous ensamble ; et misent le roy leur signeur tout devant, pour mieulz acomplir son desirier. Et ensi s’en alèrent il sus leurs ennemis. » Il les montre ensuite combattant les Anglais, et dit à la fin de son récit : « Ne onques nulz ne s’en parti, et furent trouvé à l’endemain, sus le place, autour dou roy leur signeur, et leurs chevaus tous alloiiés ensamble. »

Dans le manuscrit de Rome, Froissart est encore plus explicite. Il fournit les mêmes détails ou à peu près que dans sa première rédaction, et donne en plus les noms de deux écuyers échappés au carnage et qui lui rapportèrent l’épisode du roi de Bohème : « Mais li vaillans homs fu là ocis, et tout chil qui avoecques le gentil roi estoient, reservé deus equiers, Lambeqins dou Pé et Pières d’Auvilers. La manière conment il se sauvèrent, je ne le sçai pas, mais par euls fu sceu l’ordenance dou roi et des gens, et conment il entrèrent dedens la bataille et asamblèrent à lors ennemis[2]. »

Le témoignage de Froissart est donc formel ; ce n’est pas d’Alard de Bazeilles qu’il tint le récit de la bataille de Crécy, et le chevalier appelé Le Monne de Basèle y fut tué. De plus, si nous lisons bien le texte de Froissart, nous ne voyons nulle part qu’il soit originaire du duché de Luxembourg ; nous dirons plus : qu’il le désigne toujours en dehors des chevaliers de ce pays comme pour montrer sa nationalité différente. Ainsi, dans sa première rédaction[3] : « Là estoit li Monnes de Basèle à son frain, qui envis l’euist laissiet ; et ossi eussent pluiseur bon chevalier de le conté

  1. Froissart, éd. Luce, t. III, p. 178.
  2. Ibid., p. 421.
  3. Ibid., p. 178.