Page:Binet - Féré - Le magnétisme animal.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
L’ACADÉMIE DES SCIENCES EN 1784

qui magnétise inspire tant d’attachement, attachement qui doit être plus marqué et plus vif chez les femmes que chez les hommes, tant que l’exercice du magnétisme n’est confié qu’à des hommes. Beaucoup de femmes n’ont point, sans doute, éprouvé ces effets, d’autres ont ignoré cette cause des effets qu’elles ont éprouvés ; plus elles sont honnêtes, moins elles ont dû l’en soupçonner. On assure que plusieurs s’en sont aperçues et se sont retirées du traitement magnétique mais celles qui l’ignorent ont besoin d’être préservées.

« Le traitement magnétique ne peut être que dangereux pour les mœurs. En se proposant de guérir des maladies qui demandent un long traitement, on excite des émotions agréables et chères, des émotions que l’on regrette, que l’on cherche à retrouver, parce qu’elles ont un charme naturel pour nous, et que physiquement elles contribuent à notre bonheur ; mais moralement, elles n’en sont pas moins condamnables, et elles sont d’autant plus dangereuses qu’il est plus facile d’en prendre la douce habitude. Un état éprouvé presque en public, au milieu d’autres femmes qui semblent l’éprouver également, n’offre rien d’alarmant ; on y reste, on y revient, et l’on ne s’aperçoit du danger que lorsqu’il n’est plus temps. Exposées à ce danger, les femmes fortes s’en éloignent, les faibles peuvent y perdre leurs mœurs et leur santé.

« M. Deslon ne l’ignore pas ; M. le lieutenant de police lui a fait quelques questions à cet égard, en présence des commissaires, dans une assemblée tenue chez M. Deslon même, le 9 mai dernier. M. Lenoir lui dit : « Je vous demande, en qualité de lieutenant général de police, si lorsqu’une femme est magnétisée, ou en crise, il ne serait pas facile d’en abuser. » M. Deslon a répondu affirmativement, et il faut rendre cette justice à ce médecin, qu’il a toujours insisté pour que ses confrères, voués à l’honnêteté par leur état, eussent seuls le droit et le privilège d’exercer le magnétisme. On peut dire encore que, quoiqu’il ait chez lui une chambre destinée primitivement aux crises, il ne se permet pas d’en faire usage ; mais, malgré cette décence observée, le danger n’en subsiste pas moins, dès que le médecin peut, s’il le veut, abuser de sa malade. Les occasions renaissent tous les jours, à tous moments ; il y est exposé quelquefois pendant deux ou trois heures ; qui peut répondre qu’il sera toujours le maître de ne pas vouloir ? Et même en lui supposant une vertu plus qu’humaine, lorsqu’il a en tête des émotions qui établissent des besoins, la loi impérieuse de la nature appellera quelqu’un à son refus, et il répond du mal qu’il n’aura pas commis, mais qu’il aura fait commettre.

« Il y a encore un moyen d’exciter des convulsions, moyen dont les commissaires n’ont point eu de preuves directes et positives, mais qu’ils n’ont pu s’empêcher de soupçonner ; c’est une crise simulée, qui donne ce signal ou qui en détermine un grand nombre d’autres par l’imitation. Ce moyen est au moins nécessaire pour hâter, pour entretenir les crises, crises d’autant plus utiles au magnétisme que, sans elles, il ne se soutiendrait pas.