Page:Binet - Henri - La fatigue intellectuelle.djvu/18

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En outre, quand même on saurait bien exactement ce qu’un programme comporte de travail intellectuel, quelle conclusion pourrait-on en tirer ? Il ne suffit pas de connaître le travail intellectuel fourni par une personne pour savoir si elle est surmenée ou non ; il faut en outre connaître ses capacités de travail ; sans cela toute la série de raisonnements reste théorique.

À la critique des programmes, on peut rattacher la critique de la durée des classes ; ce sont des argumentations qui ont exactement la même valeur. Dujardin-Beaumetz rapporte que, dans les écoles primaires élémentaires, fréquentées par des enfants de six à douze ans, les classes durent sept heures par jour ; et il trouve que c’est trop. Un autre orateur affirme que les enfants peuvent supporter vingt heures de classe par semaine, et pas davantage. On cite l’exemple des étrangers, des ouvriers. On plaide pour l’adoption de la règle américaine des trois 8 (8 heures de sommeil, + 8 heures de travail, + 8 heures de liberté = 24 heures). « Un jeune homme de vingt ans bien doué, affirme Daily, ne peut pas travailler avec attention, c’est-à-dire avec profit, plus de huit heures. » Si raisonnables que paraissent ces idées, il ne faut pas oublier que ce sont des raisonnements a priori. Sans données expérimentales sur les facultés de travail des enfants, on ne peut rien conclure de certain, et ces données expérimentales nous font encore complètement défaut.

Aussi ne pouvons-nous souscrire au rapport de la commission qui déclare que « le travail intellectuel sédentaire, de huit à vingt ans, ne doit pas être de plus de trois à huit heures. Si le travail intellectuel excède cette durée quotidienne, il devient fatigant et profite peu à l’instruction ». Ce n’est là qu’une règle arbitraire, qui manque de fondement. « La durée des classes, continue le rapporteur, de vingt à trente minutes pour les enfants, ne doit pas excéder une heure ou une heure et quart pour les jeunes gens. » Nouvelle affirmation gratuite, que rien ne justifie.