Page:Binet - Henri - La fatigue intellectuelle.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



pili[1] ont fait des observations analogues sur le pouls de l’avant-bras chez une femme hystérique qu’ils avaient endormie en léthargie, et qui semblait être séparée complètement du monde extérieur ; une piqûre d’épingle, l’articulation du nom de la malade, impressionnaient son pouls. Enfin, Hallion et Comte, tout dernièrement[2], ont répété, confirmé et étendu cette expérience, qu’ils ignoraient d’ailleurs, sur des hystériques de la Salpêtrière, mises en état de léthargie, et sur des hystériques anesthésiques totales ; la piqûre non vue et non sentie provoque une vaso-constriction, et une parole qui ne parait pas entendue amène le même effet.

Il ne résulte pas rigoureusement de ces expériences, cela va sans dire, que les impressions produites sur les hystériques ont été inconscientes au moment de leur production ; peut-être dans certains cas y a-t-il eu conscience fugitive, suivie d’oubli. Mais ce qu’on doit considérer comme prouvé, c’est que chez certains individus l’activité cérébrale peut continuer son office sans que leur conscience actuelle en donne le témoignage. Le témoignage de la conscience est moins sûr dans ce cas que celui du tracé.

Nous trouvons encore, dans cet ensemble de recherches, à citer un troisième fait bien intéressant pour la psychologie, c’est que le changement de volume du cerveau qui a lieu par excitation psychique ou travail intellectuel est lent à se produire ; le temps nécessaire à sa production dépasse de beaucoup le temps physiologique de perception. Aussi a-t-on été forcé d’admettre — et Morselli (cité plus haut) a insisté un des premiers sur ce point important — que l’hyperémie du cerveau n’est pas une cause, une condition de l’activité psychique, elle en est bien plutôt un effet, puisqu’elle suit la mise en jeu de cette activité.

Mosso partage vraisemblablement cette opinion. Dans

  1. Tamburini e Seppili, Ricerce sui fenomeni di moto…, etc. (Riv. speriment. d. fren., Reggio-Emilia, 1882).
  2. Arch. de Physiologie, 1895, p. 90.