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Page:Binet - Introduction à la psychologie expérimentale.djvu/94

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c’est l’œil qui voit, juge et compare, sans l’intervention d’un autre sens. Dans la méthode de reproduction, on fait appel au sens musculaire, et pour donner à la ligne qu’on trace une longueur exacte, il faut traduire le souvenir visuel en une image motrice équivalente : travail de traduction qui peut lui-même devenir la source d’erreurs[1]. Ce n’est pas tout. Un acte musculaire, même simple, exige une certaine part de l’attention ; nous avons remarqué bien souvent que les petits enfants ont quelque certaine peine à tracer des lignes droites ; ils font un effort qui diminue d’autant la part d’activité de leur mémoire, et c’est un nouveau motif pour que leur mémoire commette des erreurs[2].

De la différence des deux méthodes nous pouvons donner une preuve intéressante.

Dans nos expériences sur la mémoire visuelle des lignes, nous avons constaté que les enfants, quand ils reproduisent de mémoire une ligne courte, de 4 millimètres par exemple, ont une tendance constante à allonger cette ligne. Quand les expériences sont faites par la méthode de reconnaissance, cet allongement de la ligne ne se produit pas ; il est donc dû à l’intervention de la main. Ainsi, dans le

  1. Nous ne parlons dans le texte que des applications de la méthode de reproduction à la mémoire visuelle des lignes. Pour la mémoire musculaire, la méthode de reproduction n’a évidemment pas les mêmes inconvénients.
  2. Développement de la mémoire visuelle chez les enfants, par MM. Binet et Henri, Revue générale des Sciences, 15 mars 1894.