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qu’en Amérique on fait beaucoup de culture. — D. Pâturages ? — R. Parce qu’il y en a beaucoup dans les prairies.

On voit quel luxe d’érudition montre cet enfant. Il est bien difficile de se faire une idée de son type d’intelligence avec une expérience comme celle-ci. Il faudrait l’étudier bien plus longuement pour le saisir au naturel.

J’ai répété cette expérience sur une vingtaine de primaires de douze ans, à chacun desquels j’ai fait écrire 60 mots : et voici ce que j’ai remarqué de plus général. Les noms que les élèves écrivent sont des noms communs, qui désignent le plus souvent des objets matériels et familiers. On peut classer tous ces mots dans les catégories suivantes :

1o Noms d’objets placés dans la pièce où l’élève se tient (livres, table, fenêtre, plafond, parquet, porte, etc.) ; 2o parties d’une personne, et vêtements (yeux, mains, tête, chapeau, tablier, souliers, etc.) ; le plus souvent, l’élève qui écrit ces mots désigne sa propre personne ; 3o personnes et objets d’école (objets qui se trouvent dans le préau de l’école, ou dans la classe, et qui servent à travailler) 4o souvenirs de la maison paternelle (personnes, objets d’ameublement, jouets, etc.) ; 5o souvenirs de la rue (cheval, omnibus, pavé, arbres) ; 6o souvenirs de voyage ou de campagne ; 7o noms généraux d’objets, qui ne sont pas déterminés. Il est bien entendu que cette classification ne comprend pas tous les mots écrits, mais ceux qui n’en font pas partie sont en bien petit nombre, et forment une quantité négligeable.

Donc le contenu mental des élèves est surtout formé par l’idée d’objets matériels, appartenant à l’endroit où ils se trouvent, à l’école, à leur demeure, à la rue, à la campagne. C’est, en somme, une idéation d’un caractère terre à terre.

Pour mieux saisir le caractère des mots écrits, il faut remarquer toute une catégorie de mots qui ne se rencon-