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ET CRITIQUE

poète Gascon B. du Poey, 1550 (d’après la Thèse fr. de M. Lanusse, p. 142) ; une ode latine de Muret « Ad P. Ronsardum Gallicorum poctarum facile principem », parue dans les Juvenilia (déc 1552) ; un sonnet de J. de La Peruse « A. P. de Ronsard, prince des poëtes François », paru en 1553 à la fin de la 2e éd. du Cinquiesme livre des Odes de Ronsard ; les Œuvres poëtiques de Maclou de la Haye, 1553 ; la Poësie de Le Caron, 1554. Lambin appelle aussi Ronsard « Poctarum Gallicorum princeps » en 1553 (Rev. d’Hist. litt. 1906, pp. 497-98). Quant au titre de « père » des poètes, il était couramment décerné à Ronsard par ses nombreux disciples : ainsi Du Perron appelle Ronsard non seulement son père spirituel (Oraison fun., éd. princeps, pp. 8 et 9), mais encore « le pere commun des Muses et de la Poësie » (Ibid., p. 15). Ronsard lui-même avait dit avec raison aux poètes protestants en 1563 : « Vous estes tous issus de ma Muse et de moy... » (Response aux injures..., vers 1025 et suiv., Bl., VII, 128.)

P. 1, l. 26. — à fin que toy. Binet s’adresse à son fils.

P. 1, l. 34. — abolie et perdue. Cf. Tacite, op. cit., chap. iii, fin : « Hic interim liber, honori Agricolae soceri mei destinatus, professione pietatis aut laudatus erit aut excusatus. » — Il est certain que Binet s’est inspiré de Tacite pour l’ensemble de son exorde ; même annonce d’un panégyrique, même ton sentencieux, mêmes précautions oratoires, mêmes expressions parfois. — Quant à la comparaison du monde moral avec la terre tour à tour féconde et stérile (2e et 3e phrases), c’est un lieu commun qui est déjà dans Pindare : « Les anciennes vertus ne viennent que par intervalles renouveler la vigueur chez les générations des hommes : la noire terre ne donne pas toujours des fruits ; on ne voit pas l’arbre apporter à chaque révolution des ans une égale richesse de fleurs embaumées ; la nature veut du repos. « (Ném., XI, vers 37 et suiv.). On la trouve au moins deux fois dans Ronsard : 1° Elegie à Chr. de Choiseul (publiée en 1556) : « Mais ainsi que la terre a la semence enclose | Des bleds un an entier, et l’autre an se repose... | Ainsi la France mere a produit pour un temps | Comme une terre grasse une moisson d’enfans | Gentils, doctes, bien naiz, puis ell’ s’est reposée, | ... Maintenant à son tour fertile elle commence | A s’enfler tout le sein d’une belle semence... » (Bl., VI, 202 ; la comparaison tient 18 vers) ; 2° Elegie au sieur Barthel. del Bene (publ. en 1587) : « Comme on voit par saisons les ventres des campagnes, | Fertiles maintenant et maintenant brehagnes, | Porter l’un apres l’autre et fourment et buissons | Et tousjours à plein sein ne jaunir de moissons : | Ainsi les bons esprits ne font toujours demeure, | Fertils, en un païs, mais changent d’heure en heure, | Soit en se reposant, soit en portant du fruit ». (Bl., IV, 356).

Il se peut que Binet ait pris cette comparaison à Ronsard. Mais il en a fait une application, très différente, à l’Antiquité, aux siècles inféconds du Moyen-Age et à la Renaissance française, qui rappelle plutôt ces lignes de J. Peletier : « Le Temps s’est si fort dementi que toutes les professions liberales, qui avoyent si bien faict prosperer, ont quasi esté mises à nonchaloir et à néant par toutes nations, tout un grand espace jusques à nostre aage : lequel, si affection ne me transporte, est