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COMMENTAIRE HISTORIQUE

(thèse lat. sur Dorat, p. 8) et H. Chamard (thèse sur J. du Bellay p. 45), ce fut seulement à la mort de son bienfaiteur Lazare de Baïf, événement qui lui aurait enlevé le plus clair de ses moyens d’existence. Or Lazare de Baïf ne mourut qu’en 1547 : il assistait aux obsèques de François Ier le 11 avril, mais le 8 novembre suivant on dressait « l’Inventaire des meubles fait au lieu seigneurial des Pins apres le decez de messire Lazare de Baïf » (L. Pinvert, op. cit., pp. 87-88), ce qui permet de fixer la date de sa mort à septembre ou octobre 1547.

Des textes importants cités par Joly, Rem. crit. sur le Dict. de Bayle, p. 302, semblent prouver que Dorat ne fut nommé principal de Coqueret que dans la 2e moitié de 1547 :

1o D’après deux poèmes de Dorat, auxquels renvoient également Goujet (loc. cit.) et Marty-Laveaux (Notice sur Dorat, xvi et xvii), il aurait porté les armes en 1544, puis aurait fait partie de la suite militaire du dauphin Henri, suivant ce prince, devenu roi, jusqu’à Bapaume (juillet 1547). Mais a-t-on le droit d’en conclure avec Joly qu’il cessa d’être précepteur privé d’Antoine de Baïf « avant la fin de 1544 ». fit « le métier de soldat » pendant trois ans de façon continue, et ne devint principal de Coqueret qu’après ce temps de service militaire ? Si cela était, que seraient devenus durant ces trois années soit les élèves qui, comme le dit Marty-Laveaux lui-même, suivaient ses leçons « chez lui » avant de les suivre à Coqueret, soit A. de Baïf, l’élève dont l’instruction particulière lui avait été confiée, précisément en 1544 ?

2o D’après du Boulay (Hist. de l’Université de Paris, tome VI, p. 968), « Ronsardus nomen Academiae dedit anno 1547, Rectore Roberto Fournier » ; or, comme R. Fournier ne devint recteur que le 16 décembre de cette année-là, Ronsard ne se serait fait inscrire comme étudiant que dans la deuxième quinzaine de décembre 1547. Mais doit-on en conclure avec Joly que c’était sa « première inscription », et que c’est à ce moment-là qu’il « entra sous Dorat au Collège de Coqueret, dont celui-ci venait d’être nommé principal » ? Si l’on adopte cette conclusion, comment expliquer que, dans son autobiographie, Ronsard affirme qu’il se rangea sous la discipline de Dorat tout de suite après avoir connu Cassandre, à Blois, où il « suivait la Cour », c’est-à-dire en 1545 au plus tôt, en mai 1546 au plus tard, et qu’il y resta cinq ans :

Incontinent apres, disciple je vins estre,
A Paris, de Dorat qui cinq ans fut mon maistre ?.…

En réalité, rien ne s’oppose à ce que Dorat ait été nommé principal de Coqueret du vivant de Lazare de Baïf. Il est même vraisemblable que celui-ci usa de son influence pour faire obtenir ce poste au précepteur de son fils. Voici en faveur de cette hypothèse deux autres arguments, qui d’ailleurs sont loin d’être décisifs : 1o Dans l’ode A son retour de Gascongne, voiant de loin Paris, dont la composition est probablement de la fin de 1547, Ronsard se félicite d’avoir quitté la Cour pour se consacrer tout entier à l’étude des littératures grecque et latine, et l’on peut penser d’après ces vers que sa retraite chez Dorat à Coque-