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COMMENTAIRE HISTORIQUE

tion de la l. fr. Il est probable que Binet a confondu les deux recueils. (Cf. H. Chamard, J. du Bellay, pp. 96, 168, 203, 223.)

P. 16, l. 21. — d’Avril. Dans son autobiographie Ronsard indique seulement le mois d’avril pour sa rencontre avec Cassandre. Le quantième n’apparaît que dans le sonnet publié en 1552 :

Je vey les yeux dessous telle planette...
(Bl., I, 9-10.)


Pourquoi Binet n’a-t-il pas également indiqué l’année, bien que Ronsard ait écrit dans un autre sonnet également publié en 1552 :

L’an mil cinq cens contant quarante six
Dans ses cheveux une dame cruelle
(Ne scais quel plus, las ! ou cruelle ou belle)
Lia mon cœur, de ses graces espris ?
(Ibid., 71.)


Probablement parce que cette date ne cadrait pas avec les deux autres documents qu’il a utilisés : 1° les seize ans que Ronsard se donne en 1540 ; 2° les vingt ans passés qu’il se donne lors de sa rencontre avec Cassandre. Peut-être aussi a-t-il pensé, comme je l’ai moi même conjecturé, que Ronsard avait placé le mot six à la fin de son vers au lieu de cinq, qui rime moins facilement. Il ignorait vraisemblablement la troisième raison qui nous autorise à préférer l’année 1545 à l’année 1546, à savoir que la Cour ne fut pas à Blois un seul jour du mois d’avril 1546, mais à Fontainebleau, Nemours, Ferrières, Montargis, puis de nouveau à Ferrières (le 20 et les jours suivants), enfin à Fontainebleau, et que, par contre, elle passa le mois d’avril de 1545 à Romorantin, Blois et Chenonceaux (cf. les Actes de François Ier et l’itinéraire de François Ier).

Au reste, on peut penser que Ronsard n’a vu dans le mois d’avril que le compagnon obligatoire de l’amour (cf. les sonnets Sous le cristal et Le vingtieme d’avril), et qu’en adoptant ce mois il a simplement imité Pétrarque, qui tomba amoureux, lui aussi, au mois d’avril (sonnet Voglia mi sprone, deuxième tercet), et avait coutume de chanter chaque année, avec le retour du printemps, l’anniversaire de son Innamoramento. (Cf. H. Cochin, Chronol. du Canzoniere, pp. 6, 35, 109 et 137.)

P. 16, l. 23. — dont il fut épris. Le pronom « dont » ne se rapporte pas au substantif qui précède, mais à « belle fille Blesienne », qui est beaucoup plus haut.

P. 16, l. 28. — deslors amoureux. Voilà une interprétation allégorique bien inattendue, tout à fait comparable aux divagations de l’exégèse de Virgile (cf. les allusions ridicules et forcées des Scholia Bernensia). — Elle ne doit pas cependant nous étonner outre mesure, si l’on songe que Laure a passé également pour la personnification de la Gloire, à laquelle Pétrarque avait consacré sa vie, — et que la Béatrix de Dante a été considérée comme le symbole de la Théologie. On sait que Giovanni Colonna demandait à son ami Pétrarque si la véritable dame de son cœur n’était pas la Poésie (v. à ce sujet Gidel,