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ET CRITIQUE

P. 19, l. 19. — calomnies. Marty-Lav. a reproduit une partie de cette dédicace dans son édition de Ronsard, I, 373. Cf. ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 107. — Le personnage auquel cette dédicace est adressée est Adam Fumée, « conseiller du Roy en son Parlement de Paris ».

P. 19, l. 33. — qui estoit Baïf. Assertion très contestable. On lit dans le Commentaire de Belleau : « (Ronsard) arriva en Anjou... Un jour d’Avril accompagné d’un sien amy, r’alluma plus cruellement un nouveau feu dans son cœur, et devint amoureux et affectionné serviteur d’une jeune, belle, honneste et gracieuse maistresse, laquelle il celebre en ceste seconde partie de ses Amours. » (M.-L., I, 407.) Mais que cet « amy » ait été Baïf, j’en doute fort.

D’abord Baïf, qui a parlé de Marie du Pin à deux reprises, ne l’a pas fait comme un témoin de la première entrevue entre elle et Ronsard, mais, au contraire, comme s’il y fût resté étranger (éd. Marty-Laveaux, I, 8 et 9 ; II, 129 et 130).

Ensuite, en avril 1555, date de la rencontre de Marie, non seulement Baïf était absorbé à Paris par la publication des quatre livres de l’Amour de Francine, mais Ronsard et Baïf étaient alors fâchés, comme en témoigne un sonnet du 2e livre de cette œuvre, Ronsard que les neuf Sœurs (M.-L., I, 192). Colletet avait déjà remarqué la mésintelligence passagère des deux poètes en s’appuyant précisément sur ce sonnet (Vie d’A. de Baïf, extrait publié par A. de Rochambeau dans sa Famille de Ronsart, éd. elzévirienne, p. 195) ; mais il n’en a dit ni le motif, ni la date. — J’ai indiqué le motif dans la Revue de la Renaissance, d’octobre 1902, pp. 75 à 77. Il est certain que leur amitié a subi une éclipse de plus d’un an à la suite de propos aigres qu’ils avaient échangés sur la sincérité de leurs poésies amoureuses, Baïf ayant été probablement l’agresseur ; voir trois autres sonnets de Baïf : Souvent Ronsard pour l’amitié sincere..., Nul je ne veu blâmer d’écrire à sa façon.... Donques on dit que mon amour est feinte... (M.-L., I, 121, 137 et 163), et un sonnet de Ronsard, Baïf il semble à voir tes rimes langoureuses (Bl., I, 400 ; M.-L., VI, 11). — Quant à la date, on peut la déterminer, je crois, assez exactement. Les cinq sonnets précités ont paru en 1555. ceux de Baïf dans l’Amour de Francine (1re  partie de l’année), celui de Ronsard dans la Continuation des Amours (2e partie de l’année). La brouille était donc dans son plein cette année-là. Si, d’autre part, on se reporte au sonnet Ronsard que les neuf Sœurs, le 2e quatrain ne laisse guère de doute :

Mais le bouillant courroux de ton cœur ne s’alante :
L’an s’est changé depuis, et point ne s’est changée
L’ire que tu conceus pour ta gloire outragée,
S’il est vray ce que ment une langue méchante.

D’après ces vers, ce serait en 1554 que la brouille éclata, soit pendant les neuf mois que Baïf passa près de Francine à Poitiers, soit au retour de cette longue absence vers le 1er  décembre (v. les sonnets Comme le simple oiseau, et Paris mere du peuple, M.-L., I, 97 et 189). Les deux poètes se réconcilièrent soit vers la fin de 1555, soit au début de 1556, comme le prouvent ces premières lignes des Dialogues contre les nou-