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COMMENTAIRE HISTORIQUE

des vers sans ornement, sans grace et sans art, et leur semble avoir beaucoup fait pour la republique quand ils ont composé de la prose rimée. » (Bl., III, 19 et 20 ; cf. le bas de la p. 29.)

Voir encore une curieuse page du Discours à Jacques Grevin (Bl., VI. 313).

P. 40, l. 45. — son contraire. Ceci me semble encore inspiré de la 3e préface de la Franciade : Il faut, dit Ronsard en parlant des vers alexandrins, qu’ils soient « bastis de la main d’un bon artisan, qui les face autant qu’il lui sera possible hausser comme les peintures relevées, et quasi separer du langage commun, les ornant et enrichissant de figures, shemes, tropes, metaphores, phrases et periphrases eslongnées presque du tout, ou pour le moins separées de la prose triviale et vulgaire (car le style prosaïque est ennemy capital de l’eloquence poëtique), et les illustrant de comparaisons bien adaptées, de descriptions florides... » Plus loin : « C’est le fait d’un historiographe d’esplucher toutes ces considerations, et non aux poëtes qui ne cherchent que le possible... et d’une petite cassine font un magnifique palais, qu’ils enrichissent, dorent et embellissent par le dehors de marbre, jaspe et porphire, de guillochis, ovalles, frontispices et piedestals, frises et chapiteaux, et par dedans de tableaux, tapisseries eslevées et bossées d’or et d’argent, et le dedans des tableaux cizelez et burinez, raboteux et difficiles à tenir ès mains, à cause de la rude engraveure des personnages qui semblent vivre dedans... » (Bl., III, 16 et 24.)

P. 41, l. 1. — fié à moy. Voir ci-après, p. 238, au mot « inviolable ».

P. 41, l. 3. — correction. Binet a déjà dit plus haut (p. 26), en s’appuyant sur un passage des Estrennes au Roy Henry III, que Charles IX avait permis à Ronsard d’écrire des Satires, même contre sa personne, et que R. avait usé de cette autorisation en écrivant la Dryade violée, la Truelle crossée, une autre pièce commençant par Il me deplaist de voir et une quatrième commençant par Roy le meilleur des Roys. Nous avons vu ce qu’il faut penser des deux premières de ces Satires, dont l’existence est douteuse ; que la quatrième, publiée par Blanchemain, n’est pas une Satire proprement dite à la façon d’Horace, mais une ode satirique. La troisième seule pourrait avoir été au nombre des Satires « à l’Horatienne » que Ronsard montra à Binet, car celui-ci en parle bien comme d’une pièce qu’il a vue de ses propres yeux.

« Il me dit que l’on n’en verroit jamais que ce qu’on en avoit veu ». À quelles pièces publiées ce passage fait-il allusion ? Probablement à celles qu’il composa en 1562 et 1563 contre les protestants (les deux Discours sur les Miseres de ce temps, la Remonstrance, la Responce aux injures) ; peut-être aussi à « l’elegie » de 1569, intitulée plus tard « invective », écrite contre un blanc-bec de Cour qui avoit raillé ses vers et sa personne : Pour ce, Mignon, que tu es jeune et beau. (Bl., IV, 350.) Mais ce ne sont pas de vraies satires ; ce sont des discours politiques ou des apologies personnelles, qui d’ailleurs se recommandent par une verve indignée et furieuse à la façon de Juvénal, bien plus que par une douce ironie à la façon d’Horace. Peut-être faut il expliquer autrement l’allusion de Ronsard et de Binet.

Ronsard avait toutes les qualités requises pour écrire un recueil de