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ET CRITIQUE

Sur cette théorie du juste milieu en poésie, voir ce qu’il a encore écrit dans la troisième préface de la Franciade (ci-dessus, p. 197, aux mots « le faire crever » ).

P. 41, l. 29. — aux hommes. Cf. Ronsard, les douze premiers vers du Discours à J. Grevin, qui développent les vers d’Horace ci-dessus cités, et y ajoutent cette idée :

Car la Muse icy bas ne fut jamais parfaite
Ny ne sera, Grevin : la haute Deité
Ne veut pas tant d’honneur à nostre humanité
Imparfaite et grossiere : et pour ce elle n’est digne
De la perfection d’une fureur divine. (Bl. VI, 311.)

P. 41, l. 41. — faire mieux. Ce quatrain terminait la première préface de la Franciade (septembre 1572) « pour fermer la bouche à ceux qui de nature sont envieux du bien et de l’honneur d’autruy » (Bl. III. 13 ; M.-L. III. 518). Donc, Ronsard ne l’a pas écrit, comme Binet l’affirme, en réponse à certaines critiques exprimées après l’apparition de sa Franciade. C’était bien plutôt une réponse anticipée à des jugements qu’il prévoyait, une sorte de précaution oratoire contre la critique malveillante, considérée en général, précaution analogue à maintes pièces Au detracteur ou A l’envieux qu’on lit en tête ou à la fin d’autres œuvres du xvie siècle (v. ma thèse sur Ronsard p. lyr., p. 332, note 2), Notons d’ailleurs que le vrai texte de Ronsard diffère très sensiblement de celui de Binet :

Un list ce livre pour apprendre,
L’autre le list comme envieux...

Par cette forme qui, après mûre réflexion, me semble bien être un imparfait du subjonctif, Ronsard entendait ce qui pouvait se produire, et non ce qui s’était produit. C’est un « potentiel » qui équivaut à : Il peut se faire qu’on me lise... Ronsard a écrit « un list » au lieu de « qu’on lise » à cause des exigences de la versification.

L’erreur de Binet s’explique dans une certaine mesure. En effet, la préface en prose qui accompagnait le quatrain et en donnait la vraie signification disparut dès la 2e édition de la Franciade, et le quatrain resta isolé de son contexte en tête du poème jusqu’en 1584 inclus ; après quoi, il disparut lui-même des éditions posthumes ; si bien que Binet, la reprenant dans les papiers de Ronsard pour en orner sa 3e rédaction, sans remonter à son origine, perdit de vue son véritable sens. Mais la forme list (pour leist, de legisset), qu’on trouve dans toutes les éd. de la Franciade parues du vivant de Ronsard, aurait dû le mettre en garde contre une interprétation de fantaisie.

Sur les opinions diverses qui accueillirent les quatre livres de la Franciade, voir G. Colletet, Vie de Ronsard, pp. 74 à 78, et Marty-Laveaux, édition de Ronsard, III, 538.

P. 41, l. 48. — le courage. Ce quatrain parut à la fin de la Franciade dans l’éd. de 1578, la première qui vit le jour après la mort de Charles IX, et il conserva cette place dans les éd. suivantes (Bl. III, 252 ; M.-L. III. 176).

La suite des idées semble ici défectueuse. Binet dit que Ronsard n’a