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ET CRITIQUE

En 1567, Grevin fut remplacé par Gruget, et c’est seulement en 1578 que Ronsard établit le texte qui parvint à la connaissance de Richelet. Il ressort de ce simple tableau comparatif que « la Musine troupe » désigne la Brigade et non pas la Pléiade.

Quant à la liste elle-même de la Pléiade dressée par Richelet, elle est trois ou quatre fois erronée : d’abord elle comprend une étoile de trop ; ensuite elle admet Dorat et exclut Tyard ; enfin on y voit figurer Muret, qui, chassé de France à la fin de 1553, semble avoir perdu quelque temps la sympathie de Ronsard et d’ailleurs n’avait aucun titre à l’honneur que lui a fait Richelet, et Sc. de Sainte-Marthe, qui ne fut guère connu de Ronsard avant 1569, année de la publication de ses Premieres Poësies (v. ci-dessus, p. 213), et dont le chef-d’œuvre, la Paedotrophia, publié au complet seulement en 1584, est un poème latin.

Par malheur, cette liste de Richelet a influencé certains critiques du xixe siècle, notamment Sainte-Beuve, qui a écrit ces lignes regrettables : « Par une sorte d’apothéose, Ronsard imagina une Pléiade poétique, à l’imitation des poètes grecs qui vivaient sous les Ptolémées ; il y plaça auprès de lui Dorat son maître, Amadis Jamyn son élève, Joachim du Bellay et Remy Belleau ses anciens condisciples, enfin Etienne Jodelle et Pontus de Thiard, ou par variante Sc. de Sainte-Marthe et Muret. La vénération du siècle s’empressa de consacrer cette constellation nouvelle. » (Tableau de la p. fr. an XVIe s., éd. courante de Charpentier, p. 64.) On peut ne voir qu’une faute d’impression dans l’absence du nom de Baïf, que Sainte-Beuve partout ailleurs a mis au rang des « sept » ; mais, outre les erreurs déjà signalées, on en trouve là une autre qu’il est difficile d’expliquer : c’est la présence d’Amadis Jamyn, dont les Œuvres poëtiques, d’ailleurs très estimables et trop dédaignées de nos jours, parurent pour la première fois en 1575.

P. 44, l. 28. — envoyée. La Paedotrophia de Sc. de Sainte-Marthe est un poème didactique de quinze cents vers latins, divisé en trois livres, qui traitent, le 1er du régime que doit suivre la femme enceinte et de l’accouchement, le 2e des soins à donner au nouveau-né, le 3e des remèdes contre les maladies de l’enfance. Il est agrémenté d’épisodes à la façon des Géorgiques. Publié au complet en 1584 (Paris, Mamert Patisson ; dédicace à Henri III), il eut un très vif succès. On alla jusqu’à dire en Italie comme en France que Virgile en eût été jaloux. Dix éditions se succédèrent du vivant de l’auteur, et dix autres après sa mort. Ce poème devint classique : il fut commenté et traduit dès la fin du xvie siècle dans plusieurs universités de l’Europe. — Pour la bibliographie, v. ci-dessus, p. 213, aux mots « Scevole de Sainte-Marthe ».

P. 44, l. 33. — le divin Fracastor. Bembe, c’est le cardinal vénitien Pietro Bembo, chef de l’école cicéronienne et des néo-pétrarquistes, mort en 1547. Entre autres œuvres latines et italiennes, en prose et en vers, il a laissé un livre de Carmina, publié en 1548 à Venise, et réédité en 1549 et 1552 à Florence (Torrentino) avec les poésies latines de Navagero, Castiglione, Cotta et Flaminio, sous le titre Carmina quinque illustrium poetarum. C’était un des auteurs de chevet de Ronsard.