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DISCOURS DE LA VIE

Sa conversation estoit fort facile avec ceux qu’il aymoit, mais il aymoit sur tout les hommes studieux, vertueux et de nette conscience, et qui estoient libres, ouverts, simples, et sans tromperie[1], comme aussi luymesme desiroit estre tel[2] * : pouvant dire hardiment que ses mœurs, comme aussi ses escrits[3], portoient tousjours je ne sçay quoy de noble au front, et en toutes ses actions on voyoit reluire[4] les effets d’un vray Gentil-homme François, au reste liberal et magnifique en la despence des biens qu’il avoit[5].

Il se plaisoit ordinairement ou à S. Cosme[6], lieu fort plaisant, et comme l’œil[7] de la Touraine, jardin de la France, ou à Bourgueil, à cause du deduict de la chasse, auquel il s’exerçoit volontiers[8], comme aussi à Croix-val, recherchant ores la solitude de la forest

    Remy Belleau qu’il appelloit le peintre de nature, la compagnie desquels avec luy et Dorat à l’imitation des sept excellens Poëtes Grecs qui florissoient presque d’un mesme temps il appella la Pleiade *, parce qu’ils estoient les premiers et plus excellens, par la diligence desquels la Poësie Françoise estoit montée au comble de tout honeur. Il mettoit aussi en cet honorable rang Estienne Pasquier, Olivier de Maigny, J. de la Peruse, Amadis Jamyn qu’il avoit nourry page, et fait instruire, Robert Garnier Poëte tragique, Florent Chrestien, Scevole de saincte Marthe, Jean Passerat et Philippes des Portes, J. D. Perron, et le poly Bertaud, lesquels ont si purement escrit qu’ils me font desesperer de voir jamais nostre langue en plus haute perfection. Il faisoit encore estat de quelques autres dont le jugement est en ses œuvres.

    Aussitôt après cette phrase BC ajoutent Il avoit une liberté de juger des escrits de ceux de son temps, jointe à une candeur esloignée de toute jalousie (aussi estoit-il pardessus elle) ne retenant les loüanges de ceux ausquels elles estoient raisonablement deuës : tesmoin le jugement qu’il donna de la Pædotrophie de Scevole de sainte Marthe que Baïf luy avoit envoyé [C envoyée] *. Car en la response qu’il luy fit, voicy ce qu’il en dit : Bons Dieux quel livre m’avez vous donné [C envoyé] de la part du Seigneur de saincte Marthe ? [1609-1623 !] Ce n’est pas un livre, ce sont les Muses mesmes : et s’il m’estoit permis d’y asseoir jugement, je jure nostre Helicon, que je le voudrois preferer à tous ceux de nostre temps, voire quand Bembe, Naugere, et le divin Fracastor * en devroient estre courroucez. Car adjoignant la splendeur du vers nombreux et sonoreux [C Car considerant comme il a joint la splendeur du vers nombreux et savoureux] à la belle et pure diction, la fable à l’histoire, et la Philosophie à la Medecine, je dy le siecle bien-heureux qui nous a produit un tel homme | C je ne me puis tenir de m’escrier, Deus deus ille Menalca, et de dire le siecle bien-heureux qui nous a produit un tel homme] *.

    (Suivent en BC les développements qui commencent par Quant au jugement de ses ouvrages... V. ci-dessus, p. 41, note 5.)

  1. B simples, et sans fiction et affetterie courtisane | C ouverts et simples, sans fiction et affetterie courtisane
  2. C avoit tousjours desiré d’estre tel
  3. A pas de virgule après escrits | BC ses mœurs, sa face et ses escrits
  4. BC paroistre
  5. BC des biens qu’il avoit. Il n’estoit ennemy d’aucun, et si aucuns se sont rendus ses ennemis, ils s’en sont donné le subject : mais sa naturelle douceur les en a faict repentir.
  6. BC Sa demeure ordinaire estoit ou à Sainct Cosme
  7. C l’œilet | 1604-1630 l’œillet
  8. C volontiers, et où, pour cet exercice, il faisoit nourrir des chiens que le feu Roy Charles luy avoit donnez, ensemble un Faulcon et un Tiercelet d’autour :