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LA MÉMOIRE

forcer presque l’enfant à opter pour l’une des deux réponses qu’on lui offre, et par conséquent l’amener à faire un faux témoignage quand les deux alternatives sont également fausses. Mais il n’est même pas nécessaire d’aller jusqu’au dilemme ; un sourire, un air de doute, un hochement de tête suffisent pour faire vaciller certaines convictions d’enfant. Comme tout cela serait important à montrer aux enfants eux-mêmes !

Et qu’on ne suppose pas qu’en donnant ces indications nous conseillons de faire de l’hypnotisme dans les écoles ou d’y introduire la suggestion. Nous sommes au contraire de ceux qui ont toujours protesté contre les exhibitions d’hypnotisme au régiment, au théâtre et sur la place publique ; toutes les fois que nous l’avons pu, nous sommes intervenus pour en provoquer l’interdiction. À plus forte raison, sommes-nous d’avis d’interdire rigoureusement ces pratiques dangereuses dans les écoles ; il ne faut pas faire de nos enfants des automates, mais des êtres libres. Les exercices que nous préconisons contiennent une part de suggestion, c’est vrai ; mais il y en a juste ce qu’il en faut pour exciter le bon sens et la volonté, et aider un enfant à réagir contre l’influence déprimante d’une pensée étrangère. Et si chaque fois, après l’action d’influence, on explique cette influence, alors loin de faire un entraînement de docilité, on excite la résistance critique de l’élève et sa suggestibilité diminue ; les faits que nous avons observés en si grand nombre nous montrent péremptoirement que le témoignage et par conséquent le sens critique sont éducables par cette méthode-là. Elle serait une nouveauté dans les classes. Pourquoi ne l’essayerait-on pas ? Cela vaut bien une leçon d’histoire sur Hugues Capet !