Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sent sur eux-mêmes et tombent, dès qu’on ferme leurs yeux. Quand on place la main anesthésique de ces malades derrière leur dos, ils ne peuvent pas la retirer, et il faut qu’une autre personne leur rende ce service. On pourrait remplir plusieurs pages en citant tous les exemples qui ont été rapportés par les auteurs. Nous en avons, pour notre part, observé un bon nombre, qui ne nous ont laissé aucun doute dans l’esprit[1].

Pour expliquer cette impuissance motrice qui succède à l’occlusion des yeux, il faudrait faire l’étude détaillée de chaque malade ; nous croyons peu à la vérité d’une explication générale ; chaque malade, nous l’avons dit souvent, doit être envisagé séparément, et ce qui est vrai de l’un est souvent faux d’un autre. Ne pouvant pas faire ici une étude aussi minutieuse, nous nous bornerons à quelques indications.

On a vu par l’analyse détaillée de l’activité motrice quel est le concours d’états de conscience, de perceptions et de représentations, qui est nécessaire pour l’accomplissement d’un mouvement les yeux fermés. L’altération de chacun de ces états retentira sur le mouvement. Prenons d’abord la représentation antérieure à l’acte ; cette représentation est généralement de nature visuelle chez une hystérique anesthésique. Si la mémoire visuelle du sujet est mauvaise, s’il ne peut pas voir clairement, dans son esprit, la position de sa main et le mouvement à exécuter, il ne saura pas au juste quel est le mouvement qu’il doit commander à son membre, et en conséquence il y aura impuissance motrice plus ou moins complète. Même résultat si on a empêché le sujet de regarder sa main avant de lui fermer les yeux, ou bien s’il ignore la position actuelle de son membre ; son ignorance l’empêche de se représenter visuellement sa main, et par conséquent il ne peut plus la diriger[2].

  1. Recherches expérim. sur la phys. des mouvements, par Binet et Féré : Arch. de phys., octobre 1887.
  2. L’importance des images visuelles dans ces expériences a été bien mise en lumière par M. Pierre Janet dans plusieurs passages de son livre déjà cité.