Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/165

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Il est des cas cependant où le mouvement du membre anesthésique n’a pas besoin d’être dirigé par une image visuelle consciente et peut se produire correctement, bien que le sujet soit incapable de se le représenter. M. Pitres en a donné un exemple fort intéressant ; on imprime un mouvement de rotation aux deux mains ; ce mouvement peut continuer après la fermeture des yeux, parce que l’une des deux mains n’est point anesthésique, et qu’elle associe l’autre à son mouvement, elle l’entraîne.

L’hystérique arrive encore à se passer de l’image visuelle en la remplaçant par une image tactile du même ordre, qui joue le même rôle, c’est-à-dire avertit le sujet de la position de sa main ; ainsi Lasègue a vu, et M. Pitres après lui, que quand le sujet a les yeux fermés et ne peut agiter volontairement les doigts d’une main anesthésique, on peut rendre ce mouvement possible en posant la main du sujet sur sa tête qui est sensible ; le contact provoque des sensations tactiles conscientes qui renseignent le sujet sur la position de sa main et dès lors la main peut se mouvoir.

La cause de l’impuissance motrice peut résider aussi dans l’absence des sensations kinesthésiques ; il est vrai que ces sensations ne sont pas perdues ; elles se retrouvent dans d’autres consciences ; mais ces secondes consciences sont souvent mal organisées ; elles ne savent pas collaborer avec la conscience principale, et les éléments psychologiques qui les composent restent disséminés et ne rendent aucun service. Nous avons montré déjà plus d’un fait qui prouve l’importance de la coordination dans la mise en œuvre des phénomènes subconscients.

Aux deux circonstances que nous venons de signaler, et qui sont capables d’expliquer dans un certain nombre de cas l’affaiblissement musculaire des malades hystériques quand on leur ferme les yeux, il faut ajouter, avec quelque réserve, une troisième circonstance : la lumière paraît être pour ces malades à système nerveux affaibli un excitant physiologique nécessaire ; si on leur ferme les yeux ou qu’on les place dans l’obscurité, un grand nombre de leurs