Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/279

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Nous pourrions procéder tout de suite à la démonstration régulière de cette thèse ; mais il nous paraît plus intéressant de prendre un autre chemin, un peu plus long, qui nous conduira au même but. Ce que nous cherchons surtout à mettre en lumière dans ce livre, ce sont les rencontres des observateurs qui ne se cherchaient pas, ce sont les accords inattendus d’expériences tout à fait différentes. À ce point de vue, l’historique de la question présente un avantage sans pareil ; car il nous fait assister à une série de tentatives isolées qui, sans avoir été concertées, ont toutes convergé au même point. Fait assez singulier, la question de l’anesthésie systématique est une de celles qui ont soulevé le plus de controverses, et c’est peut-être celle sur laquelle tous les expérimentateurs sont le mieux d’accord, mais sans le savoir.


II


Les faits de ce genre sont connus depuis fort longtemps ; Bertrand est peut-être un de ceux qui les ont décrits le plus clairement : « J’ai vu, dit-il, la personne qui magnétisait les somnambules leur dire quand elles étaient endormies : Je veux que vous ne voyiez en vous éveillant aucune des personnes qui se trouvent dans la chambre, mais que vous croyiez voir telle ou telle personne qu’il leur désignait et qui souvent n’était pas présente. La malade ouvrait les yeux, et sans paraître voir aucune des personnes qui l’entouraient, adressait la parole à celles qu’elle croyait voir[1]. » On trouve des descriptions analogues dans les livres de Teste, de Charpignon, de Braid, de Durand (de Gros), de Liébeault, etc. Le plus souvent, il est vrai, l’expérimentateur prenait un moyen indirect pour supprimer la perception d’un objet ou d’une personne ; il les transformait ; il

  1. Traité du somnambulisme, p. 256. Conf. P. Janet, op. cit., p. 271, auquel j’emprunte quelques-uns des détails suivants.