Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/100

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le cri d’une âme malheureuse à laquelle nul écho ne répond ; aussi à chaque révélation de sa muse, pour peu que l’on se soit trouvé comme elle en contact avec le malheur, croît-on rêver seul ; aussi les poésies de Mme Désormery s’adressent-elles principalement à ces imaginations rêveuses, exaltées ou naïves, qui savent trouver un fond de tristesse dans les impressions les plus douces, et prêter quelques douceurs aux impressions les plus tristes ; aussi s’adressent-elles à ces âmes neuves et tendres qui sentent vivement, et qu’émeuvent tour à tour, au milieu des tourmentes de la vie réelle, le spectacle de la nature, la pensée de l’immensité, la vue d’une fleur, le souvenir de Dieu, ou la chute d’une feuille.

De retour en France, Mlle Desperrières songea sérieusement à s’occuper de littérature, comme du moyen le plus honorable de se procurer le nécessaire et de parer ainsi aux rigueurs de l’adversité. Elle trouva bientôt un ami tendre et dévoué dans M. Désormery, pianiste célèbre, que son noble caractère et son beau talent ont rendu l’un des artistes les plus distingués de notre époque, et qui dans son genre restera long temps sans égal. Leur union mit pour elle un terme aux vicissitudes du sort. Lorsque M. Désormery offrit sa main à Mlle Desperrières, elle lui répondit : « Hélas ! monsieur, je n’ai ni trousseau ni patrimoine ; tout ce que je puis vous apporter en mariage, c’est ma mère, ses deux enfants et moi. « — « Mademoiselle, répondit l’artiste avec une noble simplicité, voilà la dot que je réclame. » Mlle Desperrières était digne d’être l’objet d’un tel désintéressement, bien rare dans ce siècle d’argent, où le positif, ou pour mieux dire, l’égoïsme, est généralement le mobile de toutes les actions. Aussi, devenue Mme Désormery, en récompensa-t-elle son mari par la reconnaissance et la tendresse. D’une santé rendue languissante