Aller au contenu

Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

permis, frais passe-temps du bel âge chez une nation qui, laissant chaque chose à sa place, n’a point dit comme nous à la jeunesse : « Tu seras studieuse et austère. A toi les rudes travaux et les mœurs rigides ; à toi, si loin encore du but, les pratiques par lesquelles on rachète les fautes d’une longue vie ; » car c’est ainsi que nous entendons l’éducation. Cependant soyez tranquilles, jeunes garçons et jeunes filles, un jour viendra où vous secouerez la poussière des écoles et le joug de vos parents : ce jour-là, il est vrai, vous rendra citoyens et mères de famille ; mais en dépit des devoirs que ces titres semblent imposer, vous pourrez vous livrer sans contrainte au tourbillon de la dissipation, aux émotions de la galanterie. Si des vices élégants vous en arrivez aux crimes, vous serez sévèrement blâmés ; mais si vous jouissez sans emportement, comme il convient à des gens qui connaissant les passions se gardent de les éprouver, vous pousserez machinalement votre frivole jeunesse jusqu’à l’époque de votre seconde enfance sans encourir un seul reproche.

Éloignée par un heureux instinct de ces travers de notre civilisation moderne, Mme Voïart savait les écarter de sa jeune famille, tout en lui imprimant un austère respect pour ses devoirs à venir. Ainsi que je l’ai déjà dit, Mme Voïart trouvait dans l’étude ses plus chers délassements ; mais modeste et presque craintive, elle ne faisait part de ses essais littéraires qu’à un petit nombre d’amis. Ce cercle d’élite, qui se trouvait ainsi à même de juger toute la portée de l’esprit, la force de l’instruction, l’élévation de l’âme de Mme Voïart, les proclamait au dehors ; et déjà elle avait pris rang parmi les femmes les plus distinguées, qu’elle se croyait encore ignorée.

Cependant un heureux événement se préparait, dont la conséquence devait être de livrer au public des tra-