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que le chroniqueur nomme fréquemment. De 1220 à 1241, où il se termine, le récit peut passer pour original. Il ressort de l’ouvrage même que l’auctor anonyme n’est contemporain qu’au xiiie siècle des événements qu’il raconte. Les interpolations d’Albericus Monachus se font surtout remarquer de 1163 à 1223. La chronique a mérité les éloges des savants les plus compétents. Seule elle fournit une grande abondance de matériaux sur l’époque dont elle s’occupe. Elle se signale surtout par le grand nombre de généalogies princières et autres, qu’aucune chronique n’avait données avant elle. Même où il n’a fait que compiler, l’auteur a rendu service à la science en préservant de la destruction des passages choisis de chroniques aujourd’hui perdues ou du moins, en fournissant de meilleures leçons de textes publiés postérieurement. Sans doute, le moine de Neufmoustier n’est pas complétement exempt des défauts de son époque. Il croit à l’astrologie, à la magie, et montre pour les miracles une crédulité excessive. Il ne manque cependant pas tout à fait d’une certaine critique, et brille surtout par une impartialité bien extraordinaire chez un homme d’Église, obligé de narrer les querelles sanglantes de l’Empire et de la Papauté. Quelque défectueuse que soit l’édition de Leibnitz, ce n’en est pas moins un honneur pour notre auteur que d’avoir fixé l’attention de ce grand homme, et l’on déplorera avec nous de ne pas connaître le nom du moine modeste dont, par une méprise fréquente au moyen âge, toute la célébrité a été donnée par les copistes à son trop heureux interpolateur, Albéric de Trois-Fontaines.

F. Hennebert.

* ALBÉRON, évêque de Verdun, mort en 1158, fils d’Arnoul II et frère d’Otton II, comtes de Chiny. Cet illustre évêque de Verdun fut un de ces prélats du xiie siècle qui savaient manier avec un égal succès la crosse et l’épée. Il était archidiacre de Verdun depuis de longues années, lorsqu’il fut élevé, par le chapitre et le peuple, d’une voix unanime, à l’épiscopat. Il est considéré comme le libérateur de son Église. En effet, Verdun était opprimé par Renaud, comte de Bar, qui y avait fait construire une tour d’où la garnison rançonnait le pays. Après avoir vainement employé tous les moyens de conciliation auprès du comte de Bar, Albéron fut contraint de recourir à la force. Albéric (Chron., an. 1131) retrace ce fait en deux mots et nous dit « que l’évêque de Verdun rasa la tour élevée par le comte de Bar, » mais les légendaires dès xiie et xiiie siècles ne pouvaient laisser passer un tel événement sans amplification. Le roman de la prise de Chèvremont, par l’évêque Notger, de Liége, reçoit ici une version nouvelle. Albéron, usant de stratagème, gagne un des gardiens de la tour et y entre avec son clergé le jour de la Pentecôte. Renaud prend les armes, vient assiéger Verdun, ravage les campagnes et, repoussé une première fois, il appelle le duc de Lorraine à son secours. Vain effort ; l’armée des assiégeants est tout à coup saisie d’une terreur panique ; Renaud reconnaît le doigt de Dieu et envoie, pour traiter de la paix, son frère, le cardinal Étienne, évêque de Metz, et l’archevêque de Trèves. Après trois ans d’hostilités, la paix est conclue et Verdun délivré.

Albéron dirigea ensuite tous ses soins vers la réforme des nombreux monastères de son diocèse, qui s’étaient considérablement relâchés dans la discipline ; et lors du concile tenu à Reims par le pape Innocent II, il y rencontra saint Bernard, saint Norbert et saint Bruno, les fondateurs de trois nouveaux ordres religieux. Avec le double concours de l’Empereur et du Pape, il réforma ces couvents et fit entrer les prémontrés à l’abbaye de Saint-Paul de Verdun ; introduisit les moines de Cîteaux à l’abbaye d’Orval, dont le savant Constantin fut nommé le premier abbé par saint Bernard (1131), et fonda pour eux l’abbaye de la Chalade. Enfin, il fut encore le fondateur des monastères de Belval, de l’Étanche, de Gynevaux et d’une commanderie de templiers.

Au milieu de ces pieuses fondations, Albéron est bientôt distrait par la grande voix de Bernard, son ami ; se ressouvenant du noble sang qui coule dans ses veines, il prend la croix et se dirige vers Rome, mais le pape Célestin II arrête l’évêque croisé