Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/245

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cette rencontre, le duc d’Arenberg eut un cheval tué sous lui, et reçut un coup de fusil dans son buffle. Les journaux du temps, en rendant compte de ce fait d’armes, signalent aussi la valeur qu’y déploya le prince Charles-Eugène d’Arenberg, frère puîné de Philippe-François. Les Français ayant forcé les lignes de l’armée royale (25 août), le duc reçut l’ordre de retirer l’infanterie de la tranchée ; il s’acquitta de cette commission avec non moins d’intelligence que de bravoure ; malgré les forces supérieures auxquelles il avait à tenir tête, il amena sa troupe jusqu’aux portes de Cambrai, sans qu’elle pût être entamée. Il s’acquit aussi beaucoup d’honneur à la défaite de l’armée française devant Valenciennes, le 16 juillet 1656 : il fut l’un des premiers qui entrèrent dans les lignes ennemies, où il reçut un coup de pistolet dans son chapeau. Philippe IV, en récompense de ses services, le fit capitaine général de l’armée navale de Flandre (26 juin 1660), grand bailli de Hainaut (26 mai 1663) et gouverneur et capitaine général de la même province (4 juin 1663). Le comte de Monterey, gouverneur général des Pays-Bas, le nomma, en 1670, premier commissaire au renouvellement des lois et à l’audition des comptes des villes et châtellenies de Flandre.

Philippe-François d’Arenberg mourut à Bruxelles le 17 décembre 1674. Van Loon (Hist. métalliq., t. III, p. 31) cite un jeton frappé à sa mémoire : on y voit, d’un côté, un aigle déployant ses ailes ayant sur la tête une couronne, en marque de souveraineté, et regardant fixement un soleil, emblème de la faveur du roi, avec cette légende : Suo intenta soli ; au revers, les armes du défunt, sommées d’une couronne ducale et entourées du cordon de la Toison d’or, avec l’inscription : Philippus Franciscus, Dei gratiâ dux Arenbergae, dux Arschotanus. Il avait épousé, en Espagne, le 14 juillet 1642, Marie-Madeleine-Françoise de Borja, fille de François-Octave, duc de Gandia, et d’Artémise Doria-Caretto ; il en eut deux enfants qu’il perdit lorsqu’ils étaient encore en bas âge. L’auteur anonyme d’un tableau inédit et très-curieux de la cour de Bruxelles dont une copie est à la bibliothèque de Saint-Omer, fait ainsi le portrait de ce prince : « Le duc d’Arenberg et d’Arschot est d’un tempérament tellement igné que ce grand feu n’admet point de flegme du tout. Il est bien de sa personne, altier avec ses égaux et honneste avec les autres. Il a toutes les inclinations espagnoles, hormis la retenue, qu’il n’a pu acquérir, nonobstant qu’il ait esté aidé de l’éducation qu’il a prise en ce pays-là, et c’est ce qui l’a privé des grands emplois, car en ce pays-là on a de grandes aversions pour l’humeur évaporée, et n’eût esté la grande faveur du marquis de Caracena, il auroit eu peine d’avoir le gouvernement d’Hainaut. Il aime l’histoire, dont il a quelque connoissance, et les belles-lettres, qu’il possède superficiellement. Il se fait non-seulement un honneur, mais un emportement continuel de son devoir, et ne parle du service de son maistre qu’en protestant de sacrifier tout le monde et tout son bien pour le procurer… » Deux faits semblent confirmer ce que cet écrivain dit de l’humeur de Philippe-François d’Arenberg : le premier est le duel qu’il eut avec le comte d’Egmont au siége de Rocroy, en 1653, et dans lequel ce dernier fut blessé ; l’autre est rapporté par l’archiduc Léopold dans sa correspondance avec Philippe IV. Léopold n’avait pas voulu donner au frère du duc l’entrée d’une chambre du palais où étaient seuls admis les chevaliers de la Toison d’or, les généraux et les gouverneurs de provinces : il s’en montra si offensé qu’il ne parut plus à la cour ; et, lorsque l’archiduc partit pour l’ouverture de la campagne, ni lui ni son frère ne vinrent lui dire adieu, comme le firent les autres chefs de la noblesse[1].

Gachard.

ARENBERG (Charles-Eugène D’), fils de Philippe-Charles et de sa troisième femme, Marie-Cléophée de Hohenzollern, né le 8 mai 1633, devint duc d’Arenberg, d’Arschot et de Croy, à la mort de son frère Philippe-François. Il avait été destiné à l’Église dès sa jeunesse et il était

  1. Lettre du 28 juillet 1650. (Archives du royaume.)