Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/108

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littéraires, si ses flèches étaient acérées, elles n’étaient jamais empoisonnées. Sa conversation avait du mordant, mais point d’amertume ; c’était un mélange de finesse et de bonhomie, comme il sied à un fabuliste. Il aimait les jeunes gens, leur faisait volontiers part de ses souvenirs, entrait dans leurs idées et leur montrait, par son exemple, à se raidir contre les difficultés de la vie.

Il s’était acquis, dès sa jeunesse, un certain renom par son enseignement et par ses écrits. S. A. S. le duc de Saxe-Cobourg-Gotha ayant eu besoin d’un précepteur pour son fils, le prince héréditaire, Bergeron lui fut recommandé ; le duc se montra si satisfait des services de notre humaniste, qu’il lui décerna, en témoignage de satisfaction, la croix de l’ordre de la branche Ernestine (17 avril 1837). Bergeron possédait effectivement à un haut degré les qualités qui assurent la réussite d’un professeur. Son milieu véritable était une classe de rhétorique. Il avait tout à la fois de la méthode, un goût sévère, et dans l’exposition, du feu sacré. Tantôt grave, tantôt enjoué, toujours spirituel, il se faisait écouter attentivement, et par moments il entraînait son jeune auditoire. Il avait dans la voix de certaines cordes qui réveillaient immanquablement des échos : don naturel, aussi rare qu’enviable. Classique de la vieille roche, il comprenait cependant les grands écrivains modernes ; mais il ne brûla jamais ce qu’il avait adoré.

On ne saurait le qualifier de savant, ni d’érudit, ni de penseur : de l’instruction, de l’acquit, une mûre expérience, il avait tout cela ; mais en somme l’enseignement universitaire ne lui convenait pas. Son Cours d’ antiquités romaines est clair et pratique, mais superficiel ; son Histoire de la littérature romaine n’est guère qu’un recueil de biographies et d’analyses. Son esprit ne s’élevait pas aux considérations d’ensemble, ni en histoire, ni en littérature. Il voyait clair, mais il était myope. Comme poëte, il appartenait évidemment à la génération du premier empire : grand soin de la forme, idées ingénieuses parfois, çà et là un vers heureux, un mot piquant, mais d’invention assez peu, de passion point. Ses œuvres dramatiques sont au-dessous de ses fables ; les unes et les autres n’ont obtenu qu’un succès d’estime ; les dernières auraient mérité mieux.

Voici la liste des principaux ouvrages de Bergeron : 1° Odes d’Anacréon, traduit en vers français. Paris, 1810, in-12. — 2° L’heure du supplice ou les remords du crime, scène tragi-lyrique, en vers. Bruges, 1819, in-8o (réimprimé dans les nos VI et XI). — 3° Les comédies de Térence, traduites pour la première fois en vers français, avec le texte en regard. Gand, 1821, 3 vol. in-8o (première traduction française complète). — 4° Sur la révolution belge, poëme. Bruxelles, 1830, broch. in-8o (au profit des blessés de septembre). — 5° Mémoire sur les améliorations à introduire dans l’instruction publique, avec un nouveau système d’enseignement. Charleroi, 1831, in-8o (présenté, en 1828, au roi des Pays-Bas, qui en demanda une analyse). — 6° Le député d’une nation libre, et autres poésies. Bruxelles, 1832, in-8o de 48 pages (Fables, Éloges en vers du tabac à priser et du tabac à fumer ; L’heure du supplice ; Discours sur les vacances. Ces pièces avaient déjà vu le jour, soit dans le Mercure belge, soit dans les Annales belgiques ; la dernière avait paru séparément à Charleroi, en 1830. — 7° Précis des antiquités romaines, à l’usage des universités et des colléges. Bruxelles, 1835, in-8o. — 8° Les deux cousins, ou les suites de l’éducation, comédie en trois actes et en vers, dédiée à S. A. S. le prince héréditaire de Saxe-Cobourg-Gotha. Bruxelles, 1839, in-8o. Réimprimé dans le no XI. Une des meilleures pièces de Bergeron. — 9° Histoire analytique et critique de la littérature romaine, depuis la fondation de Rome jusqu’au ve siècle de l’ère vulgaire ; ouvrage dédié à S. M. le roi des Belges. Bruxelles, 1840, 2 gros vol. in-8o. — 10° Même ouvrage, 2e éd. Namur, 1851, in-8o. Reproduction de la première édition, moins les analyses et les notes. Ouvrage utile, à la portée des élèves des classes supérieures des colléges (dédié à M. Ch. Rogier, ministre de l’intérieur). — 11° Fables et autres