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bientôt avec toute l’ardeur de son âge à l’étude de la langue hébraïque, des belles- lettres et de la théologie, sous la direction de deux savants déjà illustres : Juste-Lipse et Vulcanius ou De Smet. Il n’avait que dix-sept ans quand, en 1582, il commença à enseigner lui-même les humanités comme professeur privé et qu’il se rendit successivement en cette qualité à Anvers, à Ostende, à Middelbourg et à Goes. Revenu à Leide en 1593, il y acheva ses études, souvent interrompues, afin de pourvoir à sa subsistance par des leçons particulières. Dès lors il s’appliqua surtout à l’histoire, à la philosophie, à la langue grecque. Poussé par le désir de voir les pays étrangers, il entreprit, en 1591, avec Juste-Lipse, un voyage en Allemagne et résida quelque temps à Heidelberg et à Strasbourg où il dut reprendre l’enseignement privé, pour se créer des moyens d’existence. Deux ans après nous le voyons parcourir la Bohème, la Silésie, la Pologne et la Russie. Rentré à Leide en 1593, il y obtint la chaire de théologie. — Il s’y mêla activement aux disputes académiques et se signala par sa dialectique serrée et sa profonde science. Les curateurs de l’université lui confièrent aussi la direction de leur bibliothèque. C’est en cette qualité qu’il classa les livres dans un ordre méthodique qui, bien longtemps après lui, fut encore observé, et qu’il publia un catalogue dont voici le titre : Nomenclator auctorum omnium quorum libri vel manuscripti vel typis expressi extant in Bibliotheca Lugduno-Batava cum epistola Petri Bertii de ordine ejus atque usu. Lug. Batav., 1595, in-4o.

Les dix années suivantes furent consacrées à former, par des leçons particulières, les jeunes gens à la pratique de l’éloquence, tout en enseignant comme professeur en titre, à l’université. Après la mort de Jean Kuchlein ou Cuchlinus, arrivée en 1606, il remplaça celui-ci dans ses fonctions de régent du collège de théologie, mais ce ne fut pas sans répugnance, car on était alors dans le feu des disputes religieuses des Gomaristes et des Arminiens, et Bertius pressentait, avec raison, que sa nouvelle dignité deviendrait l’occasion de sa perte. Il renonça, par cette nomination, à ses autres fonctions et se trouva bientôt, par suite de la tournure aggressive de son esprit, engagé dans le parti des Remonstrants, ce qui lui suscita bon nombre de sourdes persécutions. On y préluda en le forçant d’échanger son emploi de régent contre celui de professeur de philosophie morale, ce qui lui enlevait toute influence sur le corps universitaire. Divers écrits qu’il publia, en matière de religion, vinrent mettre le comble à sa disgrâce. En 1619, le synode de Leide l’exclut de la participation à la cène, et sa destitution de professeur suivit de près. Malgré la protection du prince d’Orange, on le força d’abandonner l’enseignement privé. Pierre Bertius fit alors des instances auprès des états de Hollande pour obtenir une pension ; mais elle lui fut durement refusée, bien qu’il fût dénué de toutes ressources pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille.

Fatigué de tant d’ennuis, déjà agité par des doutes sérieux sur la vérité de la religion dans laquelle il avait été élevé, il se détermina en 1620, à quitter la Hollande et à se réfugier en France où le roi Louis XIII, appréciant son mérite, lui avait accordé le titre de cosmographe, deux ans auparavant, lorsqu’il lui eut dédié son Theatrum geographiæ veteris. Ce prince accueillit le réfugié hollandais avec grande faveur, lui assigna une pension convenable et lui octroya des lettres de naturalité pour lui et sa famille. Convaincu par quelques docteurs de Sorbonne de la fausseté du calvinisme, outré aussi des persécutions et de l’inhumanité de ses coreligionnaires envers lui, il embrassa alors ouvertement le catholicisme et abjura entre les mains du cardinal de Retz. Sa femme, fille de l’ancien régent Cuchlinus, et ses enfants, qui l’avaient accompagné à l’étranger, suivirent son exemple un an après son arrivée à Paris. La communauté protestante française fit tous ses efforts pour empêcher la conversion de Bertius, mais elle n’y put réussir. C’est à la suite de sa résistance qu’il fut publiquement