Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/173

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jet de cette notice et que nous nommons Gauthier I, parce qu’il est le premier de sa famille qui ait une importance historique dans la seigneurie, et qu’il doit être considéré, sinon de droit, au moins de fait, comme le premier avoué à Malines de l’Église de Liége. Il est cependant à remarquer qu’il n’en prit point le titre. C’est à cette époque que la position de sa maison va se dessiner plus nettement ; jusque-là son pouvoir s’appuyait sur ses richesses et sur la protection que le chapitre de Saint-Rombaut avait réclamée d’elle ; mais, graduellement, on vit les Berthout entrer en relations directes avec l’évêque de Liége, seigneur de Malines, et régler avec lui des droits dont l’Église était forcée de faire l’abandon, ou dont cette puissante famille s’était emparée, et que l’évêque avait dû confirmer.

Vers 1212, la guerre éclata entre Henri, duc de Brabant, et Hugues de Pierrepont, évêque de Liége, à l’occasion de la succession d’Albert de Moha, qui conditionnellement devait passer à l’Église de Liége. Berthout, prenant le parti du duc de Brabant contre le prélat, alla grossir avec ses vassaux l’armée brabançonne. Soucieux de ses intérêts, il ne laissa pas passer cette occasion pour établir plus solidement son pouvoir. Les embarras que cette campagne avait suscités au prélat liégeois étaient favorables à ses projets : aussi ne tarda-t-il guère à lui susciter d’autres difficultés. Dès lors l’évêque put se convaincre que l’opinion lui était hostile dans sa seigneurie : et cependant, il lui était impossible de recourir à des mesures de rigueur. « Il est hors de doute, dit l’historien David, que les Berthout ne devinrent si hardis, qu’ils n’usurpèrent si effrontément à Malines que parce qu’ils s’appuyaient sur leur suzerain, et que par eux-mêmes ils étaient assez puissants pour résister aux évêques de Liége. »

Ne voyant aucun moyen de réduire Gauthier Berthout, qui était si vigoureusement soutenu, l’évêque se décida à traiter avec lui ; en conséqueuce il lui octroya une autorité très-étendue et de grands priviléges tout en se réservant la souveraineté de la seigneurie. La charte, datée de 1213, est le plus ancien document qui détermine les rapports établis entre l’évêque de Liége et les Berthout. Gauthier y reconnaît les droits de l’Église à Malines et dans ses dépendances ; de son côté, le prélat lui accorde d’augmenter ses domaines à la condition de respecter ses droits et de lui rendre l’hommage qui lui est dû. D’autre part Berthout s’engage à majorer de trente marcs d’argent (monnaie de Liége) les revenus annuels du prélat, il promet de se considérer comme son vassal, de défendre son Église contre ses ennemis et de tenir en fief de l’évêque tout ce qu’il acquerra dans la même seigneurie. Berthout ne fit valoir aucun droit, n’invoqua aucun antécédent pour l’avouerie. Il ne prit point le titre d’avoué et se reconnut sujet et vassal de l’Église de Liége : aussi n’est-ce que environ un quart de siècle plus tard que son fils se qualifie d’avoué. Il est toutefois probable que Gauthier en exerça les fonctions. Comment expliquer sans cela la convention faite entre lui et l’évêque ?

Plusieurs chroniqueurs affirment qu’en 1216, Berthout partit avec un corps de troupes pour l’Aragon afin d’y secourir le roi Jacques Ier contre les Sarrasins ; qu’il y combattit si vaillamment, que trois fois en un jour il fit éprouver des pertes sanglantes aux ennemis ; qu’enfin il parvint à les expulser du royaume d’Aragon et que, grâce au puissant concours des troupes de Malines, ce prince fit la conquête des îles Baléares. Le monarque voulant reconnaître les services de son puissant allié, lui laissa le choix d’une récompense. La demande de Gauthier fut de pouvoir charger son écusson de trois pals de gueules sur champ d’or, en mémoire des trois sanglantes victoires qu’il avait remportées. Le roi d’Aragon aussi avait mainte fois battu les Sarrasins, et, en souvenir de ces glorieux faits d’armes, son blason était d’or, à neuf pals de gueules ; le souverain supprima trois pals de son écu pour les transmettre à Berthout : déclarant, dit-on, en même temps, qu’il eût préféré lui céder les trois principales villes de ses États. A son retour d’Espagne,