Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/201

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prit mieux. Dans une séance des Jacobins, il déclara que De Béthune voulait établir en Belgique une espèce de protectorat, et dans sa défense devant le tribunal révolutionnaire, Brissot reconnut qu’il était l’ennemi de la liberté des Belges ; que s’il voulait une révolution en Belgique c’était afin de s’en déclarer duc. Tel était, en effet, son but. Le pouvoir appuyé par l’aristocratie ; la souveraineté établie sur les titres de ses ancêtres, qui, d’après l’Histoire de la maison de Béthune, par l’abbé Doigny, appartenait à la famille des comtes de Flandre ; voilà ce qu’il voulait.

Dans leurs manifestes, ses partisans ne firent aucune mention de ses principes politiques. Seulement ils annonçaient publiquement le projet de renverser le gouvernement établi en Belgique. Celui-ci n’eut pas, d’abord, l’air de s’inquiéter de ces menaces ; mais lorsque les doyens des métiers de Bruxelles et même les états recommencèrent leur opposition au point de refuser les subsides, il crut convenable de frapper un coup. Après avoir vaincu la résistance passive du conseil de Brabant, qu’il qualifiait de pusillanime, il parvint à obtenir, les 4 et 6 février 1792, un décret de prise de corps contre De Béthune et sept de ses principaux adhérents. Au moment où il fut publié, tous les membres de la famille de Béthune, qui habitaient la France, renièrent leur homonyme, et déclarèrent même qu’il leur était complètement étranger.

Parmi les personnes qui furent condamnées avec De Béthune, figurait le fils du libraire Dujardin, de Bruxelles, plus connu sous le nom d’Apsley. L’ayant nommé son aide de camp, il lui remit une lettre destinée à un commis de la poste aux lettres à Mons, nommé Bayard. Lui-même se rendit secrètement, en mai 1792, dans cette ville, afin de se mettre directement en rapport avec cet employé. Il lui confia tous ses projets, avec promesse de le récompenser s’il voulait transmettre à ses affidés, domiciliés en Belgique, les lettres et imprimés qu’il leur adresserait. Ce n’était pas la première inconséquence qu’il fit. Il avait déjà eu avec le secrétaire de l’ambassade autrichienne à Paris un entretien pendant lequel il lui dévoila ses projets et les moyens dont il disposait.

Bayard eut l’air de s’intéresser à la conspiration et promit de servir le prince. Mais il le trahit de la manière la plus ignoble. Il n’eut rien de plus empressé que de faire connaître au baron de Feltz, conseiller et secrétaire d’État et de guerre, ses relations avec De Béthune. Toutes les correspondances de ce dernier furent communiquées au gouvernement, et renvoyées ensuite aux parties intéressées, de manière que l’Autriche, étant initiée à tout le complot, en tint les fils et put connaître ceux qui en faisaient partie. Bayard ouvrit enfin lui-même les lettres, en tint des copies qu’il remettait au baron de Feltz et dont nous avons un recueil sous les yeux. Dans ces lettres, le prince s’adresse à tout le monde, sans distinction d’opinion et même sans s’enquérir si les personnes auxquelles il écrivait étaient ou non ses partisans. Il lui suffisait de savoir qu’elles n’aimaient pas le régime établi. Les membres des états furent particulièrement de sa part l’objet de prévenances. Partout il annonçait que bientôt il serait entouré de députés de tous les états, qui s’entendraient avec lui pour renverser le gouvernement et quelques-uns se rendirent, en effet, en France auprès du conspirateur. Un des moyens sur lesquels il comptait le plus était la formation de comités dans les différentes provinces. D’après son plan, ces comités devaient être les centres de toutes les opérations à l’intérieur du pays. De là partiraient les libelles destinés à soulever le peuple ; là l’émigration trouverait des encouragements ; les comités avaient encore mission de recevoir les contributions fournies par les abbayes et les patriotes en faveur des conjurés, dits Béthunistes et de concerter les mesures pour refuser au gouvernement autrichien les subsides et les impôts qu’il demanderait.

Cependant les événements marchèrent avec une rapidité étonnante. Tout cet échafaudage de conspirations béthunistes, conservatrices et autres, fut balayé par