Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il existe à Bruges quelques œuvres de Lancelot Blondeel qui nous permettent d’analyser son talent ; ce qui le caractérise c’est un mélange du vieux et naïf style flamand et de celui de la renaissance italienne, mélange qui produit le plus souvent des effets peu agréables ; les figures sont presque toujours maniérées, le ton des chairs est froid, le sentiment manque de profondeur et d’élévation ; d’autre part, les œuvres de Blondeel sont exécutées avec un pinceau fin et soigne ; des détails d’architecture très-grandioses les accompagnent ; ils sont hardis de dessin, dorés, mais ils témoignent souvent d’une grande bizarrerie d’invention. C’est à lui qu’on fait remonter l’origine de la renaissance dans l’école flamande ; il est, prétend-on, le premier qui se soit écarté de cette naïveté pleine de grandeur, qui fit la gloire de Memlinc et de quelques-uns de ses contemporains. Nous ne prononcerons point dans cette question délicate, qui a été controversée par plusieurs écrivains. L’Académie de Bruges possède de Blondeel un Saint Luc peignant la Vierge, entouré de beaux ornements en style de la renaissance. La tradition fait du saint Luc le portrait du peintre. Le tableau est daté de 1545 et porte le monogramme de Blondeel, les initiales de son nom avec la truelle. Le même sujet, augmenté du personnage de saint Eloi, se trouve à la cathédrale de Saint-Sauveur, et là, comme à l’Académie, le saint Luc rappelle à ce qu’on assure, les traits de l’artiste. Dans l’église de Saint-Jacques, également à Bruges, on voit le Martyre des saints Côme et Damien, un tableau d’autel peint en 1523 pour la corporation des chirurgiens-barbiers ; là les ornements d’architecture en or et noir forment la partie importante de l’œuvre divisée en trois volets ou compartiments. Toute la légende des saints Côme et Damien se déroule en divers épisodes. C’est évidemment le plus important des tableaux de Bruges. D’après M. James Weale, la plupart des figures en sont copiées de Raphaël. Nous ne relevons cette assertion qu’afin de signaler derechef le style évidemment italianisé de Blondeel. L’artiste aurait-il donc visité la Péninsule ? Il ne reste aucune trace de ce voyage ; cependant, il n’est pas impossible qu’il ait eu lieu dans sa jeunesse, car, s’il est vrai que Lancelot est né en 1495, il avait déjà vingt-cinq ans lorsqu’il fut, pour la première fois, employé par la ville de Bruges. Nous avons assez de peine à croire que cette imitation du style italien lui fut inspirée par la vue de gravures ; il y avait, sans doute, à cette époque, celles de Raimondi, mais elles n’étaient pas répandues au point de modifier une école de peinture. Il faut en conclure que Lancelot Blondeel avait subi l’influence d’un maître ou d’un collègue qui avait visité l’Italie, ou qu’il y avait été lui-même.

Enfin Bruges renferme encore, dans la salle de la confrérie de Saint-George, une œuvre du même artiste. C’est un travail divisé en cinq compartiments. Au milieu, saint George à cheval terrassant le dragon, puis quatre parties latérales représentant divers épisodes du martyre du saint.

Deux des tableaux de l’artiste, servant de blasons à la Société de rhétorique, furent offerts à l’Académie en 1699 ; malheureusement l’incendie de 1755 les détruisit.

Berlin possède dans son Musée deux compositions de Blondeel. L’une représente le Dernier jugement, tableau d’autel à volets : sur le volet de droite, le ciel, symbolisé par un beau jardin où sont représentées les sept œuvres de miséricorde ; sur le volet de gauche, l’enfer, où sont punis les sept péchés capitaux. Le second tableau de Berlin a pour sujet la Vierge avec l’enfant, assise sur un trône très-richement orné.

Vasari vante beaucoup le talent avec lequel Blondeel représentait les incendies pendant la nuit ; mais nous ne pouvons vérifier l’exactitide de cette assertion, car il n’existe plus une seule composition de ce genre. L’auteur italien nous dit qu’il tient la plupart de ses renseignements sur les peintres flamands de Jean Stradan ou Stradanus.

En 1550, Lancelot Blondeel, aidé de Jean Schoreel, restaura l’Adoration de