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de Korboga avait contenue un moment, ne tarda pas à éclater de nouveau parmi les chefs des croisés; plusieurs d’entre eux étaient parvenus à se faire de riches positions. Bohémont était devenu prince d’Antioche, Bauduin, frère de Godefroid, avait conquis la souveraineté d’Edesse. Ces exemples, en éveillant l’ambition des autres princes, leur faisaient oublier le but pieux de leur entreprise, de sorte qu’ils différaient le départ de l’armée pour Jérusalem.

Un nouveau fléau vint bientôt les faire repentir de cet ajournement; la peste se déclara dans le camp des croisés et plus de cinquante mille pèlerins moururent en un mois. Pour échapper à la contagion qui dévorait l’armée, les princes résolurent de s’éloigner d’Antioche et de s’occuper à soumettre les provinces voisines. Godefroid de Bouillon, qui était allé visiter son frère Bauduin à Edesse, reçut à cette époque un témoignage de la confiance universelle qu’inspiraient sa sagesse et son courage. Un prince musulman, l’émir de Hazart, se trouvant menacé par les forces supérieures du souverain d’Alep, sollicita l’alliance du duc Godefroid. Comme la ville de Hazart, par sa situation entre Edesse et Antioche, était d’une grande importance, comme d’ailleurs elle renfermait un nombre considérable de prisonniers chrétiens, Godefroid consentit à secourir l’émir, battit l’armée du prince d’Alep dans plusieurs rencontres, puis se dirigeant vers l’Euphrate, il enleva les châteaux de Tell Bascher, Aïntab et Ravendan. Les princes croisés ayant décidé de se réunir à Antioche vers la fin d’octobre pour aviser au départ pour Jérusalem, Godefroid s’empressa de quitter Edesse; il se mit en route avec une faible escorte de douze cavaliers et fut attaqué par cent cinquante musulmans; il les battit et rentra dans Antioche en se faisant précéder par trente prisonniers dont chacun portail la tête d’un de ses compagnons tués dans le combat.

Après de nouveaux retards qui eurent pour effet déplorable de déterminer beaucoup de croisés à retourner en Occident, l’armée, réduite désormais à cinquante mille combattants, se mit en route pour Jérusalem vers la fin du mois de mai 1099. Elle s’avança entre la chaîne du Liban et la grande mer, protégée de ce côté et surtout approvisionnée par les flottes des Pisans, des Génois et des pirates flamands que Bohémont avait délivrées à Laodicée et que Guinemer devait conduire en longeant la côte Syrienne. Elle traversa les terres de Berithe, de Tyr, de Sidon, passa sous les murs d’Accron (Saint-Jean d’Acre), s’empara de Ramla et de beaucoup d’autres villes qui se trouvaient sur sa route; enfin, le 7 juin 1099, elle arriva devant la cité sainte, qui était défendue par soixante mille hommes, tandis que l’armée des croisés se trouvait réduite à vingt mille combattants. Elle ne se disposa pas moins à l’attaque. Godefroid de Bouillon occupa le poste le plus périlleux. Le 14 juillet eut lieu une attaque furieuse qui fut repoussée par les assiégés. Le lendemain, l’assaut recommença et Jérusalem tomba au pouvoir des chrétiens. La tradition attribue à Godefroid de Bouillon l’honneur d’être monté le premier sur les remparts de la ville conquise. On peut, sans diminuer la gloire de l’illustre héros de la croisade, douter de l’exactitude de ce détail. La vérité est que pendant le dernier assaut, Godefroid se trouvait sur la plate-forme supérieure d’une tour qu’il avait fait construire et qu’on était parvenu à rapprocher de la muraille. C’était la position la plus exposée au danger car, pour écarter à coups de flèches les défenseurs des remparts, Godefroid devait nécessairement se trouver à découvert. Cette position explique l’impossibilité où il fut d’entrer le premier dans la ville. Dès que la tour fut assez rapprochée des murailles pour qu’on pût laisser tomber le pont-levis sur le rempart ou parapet, les plus ardents se précipitèrent en avant et ce fut alors seulement que Godefroid et Bauduin, son frère, abandonnant la plate-forme supérieure, purent descendre à l’étage intermédiaire et se mettre à la tête de leurs compagnons.

Quoi qu’il en soit, dès que Godefroid put faire entendre sa voix au milieu du tumulte épouvantable qui suivit l’entrée