Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/440

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plus tard, en mars 1548. Le titre porte : Apologia illustris D. Jacobi à Burgundia, Fallessi, Bredamque domini qua apud Imperatoriam Majestatem injustas sibi criminationes dilluit, Fideique suæ confessionem edit. Jacques de Bourgogne espérait-il par là obtenir la révision de son procès et rentrer dans la jouissance de ses biens confisqués? Sa franchise est trop grande pour nous permettre de le croire. Il voulait simplement, lui qui avait vécu dans l’intimité du César flamand, donner un bon conseil à ses pairs, les seigneurs des Pays-Bas. Ce qui le prouve, c’est qu’il eut un instant la pensée de leur dédier son Apologie, mais Calvin l’en dissuada en lui observant que ce serait les compromettre sans profit. Les rapports de notre banni avec le réformateur genevois, si bons, si intimes même tant qu’il avait résidé à Cologne, à Strasbourg ou à Bâle, s’aigrirent bientôt après qu’il fut venu habiter Genève. Les causes du dissentiment sont diversement rapportées. La principale est l’orgueil de race du grand seigneur froissé coup sur coup par la proposition de Calvin de marier une de ses sœurs à son ami Viret, et par l’audace de son chapelain, Valérand Poulain, qui soupirait pour l’une de ses proches parentes, mademoiselle de Willergy. Ce qui, après cela, devait suffire pour combler la mesure fut le refus de Calvin d’intercéder auprès du magistrat en faveur du médecin de la famille de Bourgogne, Jérome Bolsec, qu’on avait jeté en prison, le 16 octobre 1551, comme blasphémateur. Jacques de Bourgogne, dont la santé avait toujours été chancelante, et qui s’était retiré à la campagne, à Veigy, dans la terre de Gex, était très-souffrant à ce moment-là. Bolsec seul, d’après lui, pouvait le guérir de ce qu’il appelait « ses maladies d’hiver. » Il se fâcha donc grandement de la sentence d’expulsion qui frappait son médecin et la considéra comme un mauvais procédé à son égard. « Qu’a fait après tout maître Jérôme? écrivait-il aux syndics de Genève. Il a parlé à la congrégation librement de sa doctrine, ce qui me semble estre permis à tout chrestien. « C’était rompre en visière avec le parti orthodoxe, avec Calvin surtout, dont la douce compagne n’était plus là pour tout arranger. On doit se garder d’ajouter foi à tout ce que Bolsec a raconté sur ce sujet dans sa Vie de Calvin. Ce fut son procès qui décida Jacques de Bourgogne à quitter le pays de Genève pour aller vivre sur les terres de Berne, et non point Calvin qui aurait poursuivi de ses assiduités la femme de son ami, et lui aurait dit un jour : « Votre mari ne saurait aller loin. Quand il sera mort nous nous marierons ensemble. » La comtesse n’aurait jamais souffert un pareil langage. Elle n’était plus, comme le prétend Bolsec, jeune, belle et gaie; elle avait perdu trois enfants en bas âge, et sa sante était profondément altérée. Elle succomba, en 1557, dans le château que son mari avait acheté dans les montagnes vaudoises. Après sa mort, Jacques de Bourgogne revint habiter Strasbourg, où il épousa une compatriote, Isabelle de Rymerswale, qui lui survécut et lui donna un fils, qui fut élevé dans la religion réformée. Ce dernier fait, que nous avons constaté aux archives de la ville de Cologne, fait tomber toute supposition se rapportant à un changement de croyance de notre personnage. Sa vie, dont nous avons cru devoir rapporter tous les faits saillants, a bien son mérite. Elle est un commentaire exact des transformations qui s’opérèrent en Belgique dans les idées religieuses pendant la première moitié du xvie siècle; elle peut être considérée de même comme un prélude au Compromis des nobles et nous aider à mieux comprendre ce grand fait historique.

C. A. Rahlenbeck.

Voir les ouvrages cités dans la notice. — Archives de la ville de Genève. Pièces hist. n° 1494. — L. Galesloot, Jacques de Bourgogne (Revue trimestrielle, Bruxelles, 1862, t. II). — S. Van Leeuwen, Batavia illustrata, S’Gravenhage, l686, t. II. — Gerdesii Scrinium antiquarium, t. IV. — Te Water, De reformatée in Zeeland, Middelbourg, 1766. — Arch. de Cologne. Lettre d’Isabelle de Rymerswale de 1570. — Bull. du Bibliophile Belge, t. XVII.

BOURGOGNE (Nic. DE), BURGUNDUS, BURGUNDIUS ou VAN BOURGOIGNE, historien, poëte, jurisconsulte, conseiller au Conseil de Brabant, né à Enghien, le 29 septembre 1586,