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VOYAGE D′UNE FEMME AUX MONTAGNES ROCHEUSES

toujours faire mon voyage dans un jour ou deux, afin de pouvoir au moins comparer Estes-Park avec quelqu’une des parties les mieux connues du Colorado.

Cela vous amuserait de voir notre cabin en ce moment. Il y a dans la chambre trois femmes et neuf hommes, et comme il n’y a pas assez de siéges, ces derniers sont pour la plupart étendus sur le parquet ; tous fument, et le jeune et joyeux Français du Canada, qui joue si admirablement, qui prend près de cinquante truites par jour, pour chaque repas, est à l’orgue, la pipe à la bouche. Trois hommes, qui ont campé pendant une semaine dans Black Canyon, sont couchés par terre comme des chiens. Ils ont plus de six pieds, sont d’une solennité inébranlable, ne sourient ni à la gaieté générale, ni aux changements absurdes de modulation que fait entendre l’harmonium. On peut les décrire comme n’étant vêtus que de bottes, car leurs habits sont en haillons. Ils regardent d’un cil distrait. Il y a six mois qu’ils n’avaient aperçu de femme et n’avaient dormi sous un toit. On chante des chansons nègres, mais auparavant Yankee Doodle avait immédiatement suivi Rule Britannia ; c’était si drôle que tout le monde riait, excepté les étrangers. Le temps se refroidit et fait descendre les bêtes des hauteurs. La nuit dernière, en allant à ma cabin, j’entendais les loups et le lion de la montagne.