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VOYAGE D′UNE FEMME

absolu, il n’y a pas pour moi d’endroit moins attrayant que les sources du Colorado.

J’ai trouvé les X… vivant dans une petite pièce qui servait de parloir, de chambre à coucher et de cuisine et en réunissait tout le confortable. Deux chiens de prairie, un petit chat et un lévrier l’habitaient aussi. C’était un véritable home. Mrs X… m’a préparé un excellent bifteck, et son mari a fait le thé. Ils se dispensent du confort douteux et de l’ennui certain d’une servante. Mrs X… vint avec moi jusqu’à la boarding house où je devais coucher. Nous restâmes quelque temps dans le parloir, à causer avec la maîtresse de l’hôtel. Devant moi s’ouvrait toute grande la porte d’une chambre à coucher, et sur le lit, en face de cette porte, un jeune homme paraissant très-malade était à demi étendu tout habillé ; quelqu’un le soutenait ; un autre jeune homme, lui ressemblant beaucoup et qui paraissait également malade, entrait et sortait de temps à autre, ou s’appuyait sur la cheminée dans une attitude accablée. La porte fut à demi poussée, et j’entendis dire rapidement : « Shields, vite une bougie », et l’on s’agita dans la chambre. Pendant tout ce temps, les sept ou huit personnes dans la pièce où j’étais, causaient, riaient, jouaient au trictrac, et personne ne riait plus fort que la maîtresse de l’hôtel, assise de façon à voir aussi bien que moi la porte mystérieuse en face de nous. J’apercevais toujours, tandis que l’on se remuait dans la chambre, deux grands pieds blancs collés au bout du lit : je veillais et veillais encore, espérant qu’ils allaient remuer, mais ils ne bougeaient pas, et il me semblait qu’ils devenaient plus blancs et plus raides ; alors s’accrut en moi