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VOYAGE D′UNE FEMME

bin, très-vieille et très-sale, toute crevassée, consiste en une seule pièce sombre où l’on fait la cuisine et où l’on mange ; un mineur malade des fièvres y était couché ; à côté de la cabin, un grand hangar sans toit, avec des parois de toile, et enfin le comptoir. On m’expliqua que le désordre était causé par les travaux de construction, et l’on me demanda si j’étais la dame anglaise dont parlait le Denver News ; pour une fois, je me réjouis que ma réputation m’eût précédée, car sans cela j’aurais pu être tranquillement mise à la porte. On servit un horrible repas, sale, gras, dégoûtant. Bob Craik, chasseur célèbre, vint souper, suivi d’un jeune homme, qu’en dépit de son costume de chasseur ou de mineur je reconnus pour un gentleman anglais. C’était leur feu de camp que j’avais aperçu sur le versant de la colline. Ce gentleman, singeant le grand seigneur, était la vraie caricature de lord Dundreary dans sa prolixe et générale exécration de toutes choses ; assise au coin de la cheminée, je me demandais pourquoi un si grand nombre de mes compatriotes des classes élevées, « les gens du grand ton », comme on les appelle ici, se rendent aussi absurdes. Ils ne savent ni retenir leur langue ni soutenir leurs prétentions. L’Américain est arrogant par nationalité ; l’Anglais, personnellement. Ce jeune homme ne fit aucune attention à moi, jusqu’à ce que quelque indice lui eût appris que j’étais Anglaise ; il devint alors poli, beaucoup moins prétentieux, se donna la peine de m’apprendre qu’il était de bonne famille, officier aux gardes ; qu’ayant un congé de quatre mois, il le passait à chasser le buffle et le daim, et qu’il avait un