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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

mépris profond pour tout ce qui était américain. Je ne puis m’expliquer pourquoi les Anglais prennent ce ton arrogant d’importance et donnent tant de détails sur eux-mêmes.

Les chasseurs retournèrent à leur camp, et l’hôte ayant atteint la période de coction et de somnolence de l’ivresse, sa femme me demanda si j’avais peur de coucher dans le grand hangar bordé de toile, sans porte ni plafond, attendu qu’ils ne pouvaient pas déplacer le mineur malade. Je dormis donc dans un lit fait par terre ; les étoiles scintillaient, au-dessus de ma tête, et le thermomètre marquait 30° de froid. Je ne vous ai jamais dit que j’avais fait, une fois, la promesse imprudente de ne plus voyager seule dans le Colorado sans être armée, et qu’en conséquence j’ai quitté Estes-Park ayant sur moi un revolver de Sharp chargé à balles. Ce revolver a été le tourment de mon existence. Son canon brillant et menaçant sortait de ma poche dans les tranquilles boutiques de Denver ; les enfants le prenaient pour jouer, ou bien, lorsque je suspendais mon costume de cheval au porte-manteau, son poids faisait tomber tout par terre. Je ne vois pas dans quelles circonstances j’aurais pu m’en servir. Cette nuit-là, cependant, je le nettoyai, y mis de l’huile et le plaçai sous mon oreiller, résolue à rester éveillée toute la nuit. À peine étendue, je m’endormis et ne me réveillai qu’au soleil du matin brillant à travers le toit. Je me moquai de mes propres frayeurs et renonçai pour toujours aux pistolets.