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chapitre sixième

L’étape de ce jour fut de vingt-six milles et demi, par un pays montueux, couvert de belles fermes bien cultivées. Le lendemain, un employé de la banque Princeton attendait mon arrivée sur les bords des eaux tranquilles du canal. Il avait fait à pied une promenade matinale et venait de la ville pour voir le canot. Au bassin de Baker, le gardien du pont, un homme qui n’avait qu’une jambe, me pria de retarder mon départ pour lui donner le temps d’avertir le ministre méthodiste, qui l’avait chargé de lui signaler l’arrivée d’un canot de papier.

Pendant tous mes nombreux voyages en bateau, j’ai remarqué que les hommes de professions intellectuelles prenaient plus d’intérêt aux voyages en canot que les marins eux-mêmes, et presque tous les canotiers de ma connaissance sont des ministres de l’Évangile. C’est une manière innocente de se distraire ; les occasions qui s’offrent ainsi au clergyman fatigué d’étudier la nature humaine dans ses phases changeantes procurent l’apaisement, et doivent être délicieuses quand on est resté pendant des mois en contact journalier avec le monde et Satan.

Les tendances libérales du siècle permettent aux clergymen, dans les grandes villes, de conduire des chevaux fins et de dépenser une heure chaque jour à une inoffensive partie de billard, sans que leur propre congrégation en fasse aucun commentaire ; mais qu’un recteur de village, surmené de travail, cherche avec son ami le canot ce soulagement que la nature offre à l’esprit fatigué, qu’il aille dans des lieux retirés pour