Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/185

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chapitre neuvième.

Ainsi perché sur ce frêle édifice, sur une étroite langue de sable qui se perdait au large, toutes les pensées qui naissent dans la solitude remplissaient mon esprit, lorsque ma rêverie fut interrompue subitement par une exclamation du capitaine Hatzel qui, en ouvrant la porte et plongeant dans l’Océan la puissance de ses regards, s’écria :

« Je le vois, oui, c’est lui ! c’est le feu d’Hatteras, à trente-cinq milles d’ici ; ce soir 13 décembre, c’est la première fois que je l’aperçois. Dites-le au gardien d’Hatteras quand vous irez au cap. »

Je reçus du capitaine Hatzel divers renseignements du plus grand intérêt sur les habitants du Sound. Quelques-uns d’entre eux, me dit-il, ont du sang indien dans les veines, et pour me prouver la vérité de cette assertion, il me montra un livre bien fatigué de l’Histoire de la Caroline du Nord, par D. D. Hawks ; j’y ai trouvé des faits qui ont tout l’intérêt d’un roman. Sir Walter Raleigh avait rêvé de coloniser la côte de la Caroline du Nord, comprise alors dans le dominion de Virginie, et quoique plusieurs expéditions eussent été entreprises dans ce dessein, aucune d’elles n’avait réussi. Une de ces expéditions envoyées par sir Walter à l’ile Roanoke se composait de cent vingt et une personnes, dont dix-sept femmes et six enfants. De tout ce monde, il n’était revenu que deux hommes dans la mère patrie ; le sort des autres restait inconnu, enveloppé dans les teintes sombres du mystère. L’Angleterre ne pouvait pas cependant abandonner ses enfants et les laisser périr sans faire au moins quelque effort pour venir à leur secours.